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Interview croisée sur le thème de l'égalité femmes-hommes

Gabrielle ABILY, Déléguée régionale aux droits des femmes, Préfecture de Bretagne, et Xavier Joinaie, Chef du service FSE, DIRECCTE Bretagne, échangent sur la question de l'égalité femmes-hommes. Quelle est la situation actuelle ? Quelles opérations sont menées, et comment intervient le FSE (Fonds Social Européen) sur cette problématique ? Interview croisée. 

Comment intervenez-vous respectivement sur la thématique de l’égalité femmes-hommes dans le cadre du FSE ?

Xavier Joinaie : Rappelons d’abord que le FSE ne fait pas de politique, il accompagne les politiques. Cet outil financier fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité transversale. L’idée est que la cellule FSE vienne en appui ou en complément des politiques déjà menées dans ce domaine.

Gaëlle Abily : La Direction Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité (DRDFE) pilote la stratégie régionale de l’égalité femmes-hommes. La DIRECCTE via le FSE accompagne la politique publique de l’égalité en associant la DRDFE. À notre niveau, tout l’enjeu est d’assurer une politique publique interministérielle au quotidien et de la décliner en s’appuyant sur le FSE.

Xavier Joinaie : Au travers de l’action de la DRDFE, l’enjeu est de fédérer des initiatives coordonnées avec des acteurs publics mais aussi privés : collectivités, partenaires sociaux, associations. Dans le cadre du FSE, les projets proposés font toujours l’objet d’un avis technique préalable d’opportunité de la DRDFE ou des délégations départementales.

Gaëlle Abily : On se voit régulièrement avec la DIRECCTE pour identifier des projets communs, mobiliser d’autres partenaires et soutenir à l’échelle bretonne les projets intéressants pour le FSE.

Quelle est l’actualité récente sur la thématique de l’égalité femmes-hommes en Bretagne ?

Gaëlle Abily : Il y en a plusieurs mais spontanément, je pense à un appel à projet national sur les violences sexistes et sexuelles au travail : une nouvelle action, qui fait suite aux faits de société révélés récemment. En Bretagne, le lauréat est le syndicat CFDT. Durant une année, la CFDT va former et sensibiliser l’ensemble de son organisation régionale et départementale à la lutte contre ces violences, à l’adresse de ses militants mais aussi de ses partenaires (représentants prud’homaux, avocats, associations…).

Xavier Joinaie : Dans le contexte du lancement de la programmation 2019 et du travail mené en partenariat avec la DRDFE, un travail de sensibilisation à la notion d’égalité femmes-hommes est actuellement engagé auprès des opérateurs et des promoteurs. Nous avons en effet constaté que les opérateurs avaient des difficultés à mettre en place des actions opérationnelles en la matière.

La programmation Interministérielle Droits des Femmes et Egalité Femmes-Hommes comprend des objectifs chiffrés, par exemple 40 % de femmes entrepreneurs. Comment cette programmation est-elle déclinée ?

Gaëlle Abily : En Bretagne, cette programmation s’inscrit dans la feuille de route régionale, qui reprend les 4 axes généraux de la politique publique ministérielle de l’égalité femmes-hommes. Cette année, nous sommes amenées à renouveler plusieurs dispositifs de convention, notamment  avec Pôle emploi, dont l’un des principaux objectifs concernera l’accès à la formation et la sensibilisation des conseiller.e.s et des personnel.le.s à l’égalité femmes-hommes, en traitant également de l’enjeu des violences sexistes et sexuelles au travail.

Par ailleurs, le Plan régional pour la création d’entreprises par les femmes (PAR) cible un objectif de 40 % de femmes entrepreneurs d’ici 2020. La Bretagne est fortement mobilisée sur cet axe depuis 2011. En 2019, la DRDFE copilote le PAR en partenariat avec la Banque des Territoires, la Caisse des Dépôts, Bpifrance et le Conseil régional de Bretagne pour établir un nouveau plan d’actions, incluant le soutien récurrent aux associations d’accompagnement à la création d’entreprises par les femmes.

Un deuxième axe porte sur la progression des femmes dans le secteur du numérique : aujourd’hui seulement 16 % de femmes sont employées dans ce secteur pourtant fortement créateur d’emplois. L’État en région est mobilisé pour progresser vers la mixité des métiers du numérique, notamment avec l’association Estim Numérique qui œuvre en faveur de la présence des femmes dans ce secteur.

Xavier Joinaie : La création d’entreprise est en effet l’occasion de mener des actions portées collectivement par l’Etat, la Région, d’autres collectivités et le FSE. Ce type d’opération traduit la convergence des politiques et des ressources au profit de réponses territoriales adaptées et démontre l’effet levier du FSE.

Pourriez-vous nous résumer les opérations FSE programmées par la DIRECCTE sur la thématique de l’égalité Femmes-Hommes ?

Xavier Joinaie : Au-delà de l’aide à la création-reprise d’entreprises, nous pouvons citer le soutien des Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Ces structures sont stratégiques pour accompagner les femmes sur la levée des freins professionnels, dans le cadre d’ateliers de recherche d’emploi, de découverte de métiers… Nous travaillons également sur la question de la garde d’enfants à horaires atypiques, permettant aux femmes d’accéder à des emplois à horaires décalés.

Gaëlle Abily : Un certain nombre de projets proposés par les missions locales porte sur le thème de l’insertion professionnelle. Le FSE cofinance un dispositif régional relatif à l’art et à la culture porté par l’association Danse à tous les étages, mettant en œuvre des actions de création artistique par la danse, accompagné d’un travail sur le corps et la remobilisation des femmes vers l’emploi.

Quels objectifs ont été atteints en 2018 ?

Xavier Joinaie : En 2018, 11 opérations ont spécifiquement concerné l’égalité femmes-hommes, pour lesquelles l’Europe intervient à 55 %.

Si on regarde les données sexuées dont on dispose et la programmation depuis 2014, 49 % du public ayant bénéficié des opérations est féminin. En termes de représentation, il y a une sociologie différente selon la typologie des opérations. Par exemple, en matière d’accompagnement vers l’emploi durable, 55 % des bénéficiaires sont des femmes. Si l’on regarde le décrochage scolaire, on compte 33 % de femmes, soit une part beaucoup plus modeste, renvoyant au fait que le niveau moyen de qualification des femmes est supérieur aux hommes en Bretagne. Concernant la formation de salariés, elles sont 42 % à en bénéficier, il y a donc une sous-représentation des femmes. Enfin, dans les opérations qui concernent l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi, la part des femmes est de 48 %. En s’engageant davantage, on pourrait atteindre la parité !

L’appel à projets 2019 lancé par la DIRECCTE prévoit un co-financement possible des opérations à hauteur de 65 % au lieu de 50 % en fonction de la qualité des projets et des difficultés à mobiliser des contreparties publiques ou privées. Quel caractère incitatif ? Quel niveau de mobilisation des porteurs ? Quelles difficultés rencontrées ?  

Xavier Joinaie : Nous ne manquons pas d’opérateurs mais c’est la capacité des structures à faire face à la rigueur du FSE qui pose davantage de problèmes. En 2018, 11 projets ont été retenus, il n’y a pas eu d’initiative non-recevable. Toutefois, les ressources publiques se font de plus en plus rares et sur la thématique égalité femmes-hommes, elles sont peu volumineuses. L’idée, à travers ce co-financement à 65 %, est de permettre, avec un minimum de ressources publiques ou privées, d’utiliser le FSE comme un réel levier d’intervention. Ce niveau de co-financement permet à la fois de démultiplier les capacités d’intervention en nombre de projets ou en volume et de rendre possible certaines opérations sous-dotées financièrement.

Quatre réunions départementales de sensibilisation des porteurs de projet sur le FSE ont été organisées sur janvier-février 2019. Quel bilan ?

Gaëlle Abily : La politique d’égalité femmes-hommes est à la fois spécifique et interministérielle. La DIRECCTE de Bretagne met en œuvre cette transversalité de la politique publique d’égalité en s’emparant de l’égalité femmes-hommes et en nous associant aux réunions évoquées. En janvier et février dernier, les déléguées départementales aux droits des femmes et la direction régionale ont participé aux réunions départementales de sensibilisation des porteurs de projet. L’idée était de sensibiliser les structures à la réalité des inégalités, à la nécessité de mener des projets visant à la mixité des métiers, à l’accès à l’emploi des femmes ainsi qu’à l’égalité professionnelle.

Comment les porteurs ont-ils réagi à votre présentation ?

Xavier Joinaie : Les réunions ont été animées de manière ludique et participative, ce qui a facilité et dynamisé les échanges. De manière générale, les partenaires étaient satisfaits des interventions. Nous avions la volonté de faire un rappel sur les questions d’égalité, d’évoquer la stratégie nationale et régionale, et de donner des éléments de contexte régionaux sur la programmation FSE sur la thématique.

Quel bilan faites-vous du contenu des opérations FSE sur la thématique de l’égalité femmes-hommes ?

Gaëlle Abily : Sur le plan qualitatif, les projets sont souvent reconnus comme novateurs. La raison est simple : le champ de l’égalité professionnelle reste un terrain d’innovation permanente. Nous souhaiterions une plus grande appropriation de ce sujet par les porteurs de projets. L’objectif d’un cofinancement à 65 % doit permettre de s’adresser à un plus grand nombre de structures.

Quelles recommandations et points de vigilance souhaiteriez-vous communiquer aux porteurs de projet intéressés par la thématique de l’égalité femmes-hommes sur la région ?

Xavier Joinaie : La question du réseau et de l’interconnaissance des acteurs me semble importante. De manière plus générale et quelles que soient les actions conduites, il est important que les opérateurs se demandent si les modalités d’organisation de leurs projets font obstacle à l’égalité. On se situe ici sur la mesure de l’impact indirect des actions.

Gaëlle Abily : Les porteurs de projet peuvent s’investir dans tous les domaines : la pauvreté, la santé, l’insertion professionnelle, la monoparentalité, l’emploi des femmes..., et faire appel aux structures expertes des politiques publiques d’égalité femmes-hommes. La Bretagne est riche de cette expertise.

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