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Une remobilisation des jeunes décrocheurs scolaires via le numérique

110 000 jeunes quittent chaque année l’école sans diplôme ou qualification en France. La Fabrique du numérique de Gonesse est un dispositif de remobilisation socio-professionnelle par le numérique et s’adresse à un public en décrochage. Deux structures pilotent ensemble la Fabrique. Stéphanie Vincent, directrice de l’association CoDev « Accroitre par le numérique le pouvoir d’agir » et Emmanuel Letourneux, président de l’entreprise « Ensemble Communications Participatives » reviennent sur ce dispositif.

Qu’est-ce que la Fabrique du numérique de Gonesse ?

Stéphanie Vincent : C'est une initiative lancée par la Ville de Gonesse qui souhaitait la mise en place d’un FabLab de formation pour de jeunes décrocheurs scolaires. La Fabrique de Gonesse est ainsi née en 2015.

Emmanuel Letourneux : C’est un lieu de remobilisation des jeunes basé sur un Fab Lab. Toutes les possibilités du numérique y sont présentes : programmation web, programmation d’objets intelligents, impression 3D, découpe laser, multimédias, pratiques collaboratives…

 

Programmation informatique, multimédia, impression 3D, robotique, découpe laser, usages du Web, etc... 

 

En savoir plus sur la Fabrique numérique de Gonesse

Parlez nous de la formation…

Stéphanie Vincent : La formation dure six mois, à raison de quatre jours par semaine. Les jours sont répartis entre nos deux structures selon nos compétences respectives. « CoDev » est spécialiste des technologies du numérique et accompagne les citoyens à devenir acteurs du numérique. « Ensemble Communications Participatives » travaille davantage sur l’accompagnement au changement des politiques publiques, les modes de communication participatifs, les réseaux sociaux… Au cours de la semaine, les participants travaillent sur des projets concrets, utiles au territoire.

« Des projets utiles au territoire » : qu’est-ce que cela signifie ?

Stéphanie Vincent : Les participants travaillent sur des projets réels. Divers acteurs, entreprises, associations, services de la ville…nous demandent de développer des projets pour eux.

Emmanuel Letourneux : Avec la Fabrique, on souhaite aussi redonner envie à la collectivité en réalisant des projets qui lui soient utiles. Les dispositifs d’insertion et de formation ont un coût. On réinvestit ces financements en projets de valeur pour le territoire Gonessien.

Quelques exemples de projets ?

Stéphanie Vincent : Les participants réalisent des projets très variés : des vidéos pour les vœux du maire, des outils de communication autour des droits et devoirs des usagers de l’hôpital de Gonesse, un jeu interactif pour le Point d’Accès aux Droits de la Ville…

Emmanuel Letourneux : A Gonesse, on a remarqué que le quartier de la Fauconnière était très mal indiqué sur les GPS. On a alors réalisé une « carto-party », un projet de cartographie participative. L’objectif ? Aider les habitants à mieux se repérer et mettre en valeur les commerces et équipements publics de ce quartier prioritaire de la politique de la ville.

La Fabrique du numérique n’est pas une école…

Emmanuel Letourneux : Ce n’est pas une formation qualifiante, ni certifiante mais un lieu de remobilisation. Chaque promotion a d’ailleurs un programme différent, en fonction des demandes et des projets à réaliser.

Stéphanie Vincent : On utilise des pédagogies innovantes, ou en tout cas pas celles académiques classiques : la classe inversée, des méthodes issues de l’informatique comme la méthode agile, apprendre en faisant... A la Fabrique, les jeunes essayent aussi de penser de manière abstraite. La technique du « hacking », c’est avant tout apprendre à contourner une chose. Cela demande de l’effort, de la concentration.

Quel est le profil des jeunes accompagnés ? 

Stéphanie Vincent : Tous sont des décrocheurs, sortis prématurément du système scolaire sans qualification. Les jeunes ont entre 16 et 25 ans. Ils ont des capacités et un fort potentiel, notamment celui de l’imaginaire. Ayant quitté l’école, ils ne sont pas formatés et cela se ressent. Notre objectif : les amener au bout de chaque projet, leur montrer que ce qu’ils produisent est utile pour eux mais aussi pour les autres.

Emmanuel Letourneux : Nous avons entre 15 et 20 jeunes par promotion. Il y a une majorité de garçons. C’est dommage, les filles apporteraient une véritable valeur-ajoutée. Il nous faut travailler sur ce point, à la fois sur la perception qu’ont les filles des métiers du numérique mais aussi en encourageant les prescripteurs à davantage les orienter vers des dispositifs tels que le notre.

La Fabrique s’adresse à un public décrocheur, parfois en rupture avec l’autorité…

Stéphanie Vincent : Les deux premiers mois sont une période de test. Il nous faut créer un climat de confiance. La frontière est un peu floue : ce n’est ni l’école, même si on leur apprend des choses, ni l’extérieur. On est très direct avec eux.

Emmanuel Letourneux : Nous ne sommes pas dans un rapport d’autorité avec eux. On fonctionne beaucoup par l’incitation. La collaboration est au cœur de la Fabrique : quand l’un d’eux est absent, c’est ses camarades qui en sont pénalisés. C’est moins les formateurs que les projets et les objectifs à atteindre qui sont sources de pression.

Comment les jeunes sont-ils orientés vers le dispositif ?

Stéphanie Vincent : Ils sont repérés via les missions locales, les services de la ville et d’autres acteurs partenaires comme les Missions de Lutte contre le Décrochage Scolaire (MLDS)… On rencontre aussi les bailleurs sociaux pour communiquer au plus près des jeunes.

Emmanuel Letourneux : On organise ensuite deux jours d’immersion autour de jeux et de défis. Ces deux jours nous permettent d’observer les jeunes et de voir s’ils sont suffisamment motivés et ouverts à la coopération.

Déjà six promotions : quels sont les résultats ?

Stéphanie Vincent : Nous avons 85 % de sorties positives à six mois. Parmi eux : 60 % sont en reprise de formation/étude, pas nécessairement dans le numérique d’ailleurs ; 40 % accèdent à un emploi où créent leur propre activité. Il y a des abandons, mais souvent dans les premières semaines.

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