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  • 22.04.2022

[FR] Interview d’Andriana Sukova, Directrice générale adjointe de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion à la Commission européenne

Touchés par le chômage et de plein fouet par la crise sanitaire, les jeunes font l'objet d'une attention particulière au sein de l'Union. Andriana Sukova revient sur les dispositifs européens en faveur de la jeunesse, pour favoriser son insertion sur le marché du travail.

Chargée de la préparation de la politique et de la législation du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) sur la période de programmation 2014-2020, Andriana Sukova est la Directrice générale adjointe de la direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion (DG EMPL).
Ce service de la Commission européenne est chargé des politiques sociales et de l’emploi de l'Union européenne. Elles se manifestent concrètement dans la vie des citoyens, en facilitant leur recherche d'emploi, leur installation dans un autre État membre pour travailler ou pour améliorer leurs compétences professionnelles. 

Rencontre avec Andriana Sukova.

Quels sont les principaux défis que la Commission a identifiés pour les jeunes Européens ?

Andriana Sukova : Les défis pour les jeunes Européens sont multiples. D’autant que la situation sur le sol européen est délicate. Je pense à la guerre en Ukraine ou encore à la crise sanitaire qui a durement touché la jeunesse. Le chômage est l’un des plus gros problèmes pour les jeunes Européens. Beaucoup d’entre eux exerçaient un métier dans des secteurs impactés par la COVID-19, comme ceux de la santé et du tourisme. Le protocole sanitaire mis en place a impacté les liens sociaux des jeunes et donc leur bien-être, leur santé mentale et leur orientation professionnelle. Il est primordial de les accompagner afin de leur donner toutes les clés pour rebondir.

Comment le Fonds social européen participe-t-il aux solutions apportées par la Commission aux préoccupations et aux difficultés des jeunes Européens ?


Andriana Sukova : Je dois revenir sur le socle européen des droits sociaux, proclamé il y a cinq ans. Ce dernier définit 20 principes et droits essentiels pour faire de l’Europe un espace équitable et inclusif. Le Fond Social européen concrétise ces principes : il permet aux États membres de mettre en œuvre des investissements qui bénéficient directement aux citoyens européens.C’est-à-dire garantir une égalité des chances, un accès au marché du travail, une équité des conditions de travail ou encore favoriser l’intégration et la protection sociale des Européens. Des objectifs identifiés comme communs à ceux du Fonds social européen.

 

Le FSE est le premier fond à avoir été créé par la Commission et l'Union européenne, en 1957. Depuis sa mise en place, il fournit un soutien très important aux États membres en matière d’emploi, d’éducation et d’intégration sociale.

Et ce soutien se poursuit. Pour la période 2021-2027, tout pays membre ayant un taux de chômage chez les jeunes supérieurs à la moyenne de l'Union européenne, 14,9% en décembre 2021, devra consacrer à ce secteur 12,5 % de l’allocation nationale versée par le FSE.

 

La garantie pour la jeunesse a été renforcée avec la crise sanitaire, quel est le bilan de cet engagement ?

Andriana Sukova : Dès le début de la pandémie en 2020, la Commission européenne a adopté un ensemble de mesures de soutien à l'emploi. Ces mesures ont permis de renforcer ce dispositif de lutte contre le chômage. L’idée est d’aider et de motiver les jeunes les plus vulnérables à rejoindre une formation ou à trouver un emploi. Ce dispositif doit aussi continuer d’aider ceux, déjà titulaire d’un diplôme, qui souhaiteraient se réorienter. L'objectif est de soutenir les jeunes dans leur transition de l'école au travail, leur permettre d'acquérir une expérience professionnelle et de développer les compétences nécessaires à leur arrivée sur le marché du travail. Mais nous sommes très prudents car le monde du travail est en pleine mutation. Selon les estimations, au moins 90% des emplois nécessiteront des compétences numériques dans les années à venir. Ces aptitudes dans le champ du numérique seront cruciales pour leur futur emploi.


Lors du 6e cycle du dialogue de l’UE en faveur de la jeunesse, 11 objectifs ont été retenus pour contribuer à l'élaboration de la stratégie 2019-2027. Que pouvez-vous nous dire sur ces objectifs ?

Andriana Sukova : Ces 11 objectifs contribuent au développement de l'Union européenne, en répondant aux défis déjà existants et ceux à venir. Cette stratégie en faveur de la jeunesse a pour but de mobiliser, de connecter et d’autonomiser. Dans cette logique, la Commission a par exemple lancé « Alma » (Aim, Learn, Master, Achieve — Orientation, Apprentissage, Maîtrise, Réussite). Ce programme s’adresse aux jeunes défavorisés âgés de 15 à 29 ans, sans emploi, sans diplôme ou sans formation, les NEET. L’initiative ALMA permettra à ces jeunes d’avoir de nouvelles perspectives professionnelles tout en bénéficiant de conseils et d’un suivi personnalisé. Il offrira aux jeunes NEET la possibilité de vivre une expérience professionnelle dans un autre État membre de l’Union européenne. Le but est simple, les aider à s’intégrer sur le marché du travail une fois de retour dans leur pays d’origine. 


La France a pris la Présidence du Conseil de l’Union Européenne en janvier 2022. Quatre mois après sa prise de fonction, que pouvez-vous nous dire de sa gestion ?

Andriana Sukova :  Depuis qu'elle a pris la présidence du Conseil en janvier, la France s'est montrée très active et fortement engagée dans nos domaines d'action. Je dois remercier vivement mes collègues et tous les décideurs politiques français. Nous apprécions la priorité que cette présidence a accordé à certains dossiers très importants dans l'emploi et le social. Je pense notamment à la proposition de loi sur le salaire minimum ou aux discussions pour une transition équitable vers la neutralité climatique. De nombreux événements et réunions sont organisés par la présidence française pour mettre l’aspect social et solidaire au cœur de nos objectifs sociaux économiques. Cette implication de la présidence française s'incarne aussi par la réponse à la guerre en Ukraine. Nous avons eu une adoption très rapide de la proposition sur l'action de cohésion (CARE) en faveur des réfugiés en Europe. En deux mots, cette proposition d'accueil permet financièrement aux États Membres d'accueillir des personnes fuyant la Guerre en Ukraine. Il s'agit d'une adoption très rapide et je pense que la présidence du Conseil a joué un rôle déterminant à cet égard.