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Emploi
- La Réunion
- 31.03.2022
Réu.sit, la couveuse réunionnaise qui porte bien son nom
Réu.sit est la première couveuse dans les territoires d’Outre-mer, et parmi les premières couveuses d’entreprises en France. À la Réunion, nombreux sont les chefs d’entreprise qui ont bénéficié du cadre protecteur de ce dispositif, soutenu par le Fonds social européen (FSE).
À l’abri de la couveuse, des centaines de candidats à la création d’entreprise testent leur modèle et leurs aptitudes. Réu-sit revendique en moyenne une "sortie dynamique" sur trois. Par sortie dynamique, on entend que le porteur de projet poursuit son activité ou rejoint une entreprise avec laquelle il est entré en relation, comme c’est le cas régulièrement. Ce taux de réussite est globalement comparable à la moyenne des couveuses en métropole. Mais pour le directeur de la couveuse ultramarine la réussite de ce dispositif est bien supérieure : "Certes, tous les candidats ne réussissent pas. Mais ce n’est pas un échec pour autant. Grâce au cadre de la couveuse, la personne conserve ses acquis sociaux, elle n’est pas fragilisée. Au contraire, elle développe des compétences nouvelles qui lui serviront dans son parcours d’insertion", explique Inel Olivar.
La couveuse permet au candidat de tester en grandeur réelle son projet et sa viabilité, d’évaluer ses capacités et ses motivations, et de se former au métier d’entrepreneur en puisant directement au sein de la structure les diverses compétences (comptabilité, gestion, commercial, etc.) qu’il ne possède pas encore. Le tout dans un cadre rassurant : les candidats signent un contrat CAPE (Contrat d’Appui au Projet d’Entreprise) mis en place avec la loi sur l’initiative économique de 2003. Ils bénéficient ainsi de l’hébergement juridique, du Siret de la structure, et de la possibilité d’opérer comme n’importe quelle entreprise (possibilité de facturer, d’ouvrir un compte fournisseur, etc.). Grâce à ce contrat, la personne maintient effectivement sa couverture sociale, continue de toucher ses allocations chômage pendant toute la durée du contrat (12 mois renouvelable deux fois). Autre avantage sur l’île : le candidat, une fois signataire d’un CAPE, malgré son statut de chômeur, sera reçu et écouté par les banques.
Les financeurs de Réu-sit
Comme beaucoup de couveuses, le fonctionnement de Réu-sit dépend largement de financements FSE. Actuellement, les fonds européens représentent 80% de son budget de fonctionnement. En 2000, la couveuse a démarré grâce aux aides des municipalités. En 2007, le FSE a accordé ses premiers soutiens, ce qui a déclenché l’intérêt d’autres financeurs, notamment ceux des intercommunalités (CIREST, CINOR) et des collectivités territoriales (Département, Région), cet appui étant désormais incontournable pour l’équilibre du dispositif.
Combien d’entrepreneurs réunionnais, d’artisans, de professions libérales sont passés par la « case » Réu.sit depuis sa création en 2000 ? Sans doute plus d’un millier, voire davantage. C’est en 2000 que les acteurs réunionnais de l’insertion professionnelle et de la création d’entreprise (Pôle Emploi, Mission locale, Pôle insertion, Chambre de commerce, Chambre des métiers, Académie de la Réunion…) décident de créer une couveuse de projets. Ce type de structures innovantes étaient encouragées par les pouvoirs publics français (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, Directions Départementales du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, Caisse des Dépôts et Consignations) et les programmes européens.
Implantation stratégique
Alors que la majorité des acteurs économiques sont présents dans la partie Nord et Ouest de la Réunion, l’association a joué la carte du rééquilibrage. Elle s’est implantée au Sud à Saint-Pierre ainsi qu’à l’Est, tout en ouvrant des permanences chez ses partenaires dans l’autre partie de l’île. La structure compte aujourd’hui huit salariés, dont cinq chargés de mission. La couveuse réunionnaise traite jusqu’à 300 dossiers par an et accompagne en permanence plus de 200 chefs d’entreprise "en apprentissage".
Un contexte difficile
Le contexte dans lequel opère Réu.sit est plus complexe qu’ailleurs. Le taux de chômage à la Réunion avoisine 40%, un taux quasiment identique au niveau de pauvreté. "90% de nos publics sont demandeurs d’emploi. Une partie d’entre eux touche le RSA", commente le directeur. Depuis sa création, le profil des candidats a évolué en liaison avec le paysage économique et social. "À l’origine, il s’agissait plutôt de démythifier le métier de chef d’entreprise et d’aider des publics éloignés du monde de l’entreprise venant par exemple de quartiers prioritaires", explique Inel Olivar. Puis, il y a eu une vague de salariés désireux de réorienter leur carrière professionnelle. Certains candidats aux projets innovants avaient aussi besoin d’un passage en couveuse pour convaincre des partenaires techniques et financiers de leur légitimité. Réu.sit a ainsi contribué à faire émerger de nombreux projets artisanaux en liaison avec les ressources de l’île et des savoir-faire locaux. Ces dernières années, le rôle d’insertion socio-professionnelle de la couveuse s’est fortement accentué. Dans bien des cas, il s’agit d’aider des demandeurs d’emploi à créer leur emploi (jeunes en fin de parcours scolaire, chômeurs).
Actuellement, sept projets sur dix relèvent du tertiaire. Les activités liées au bien-être sont très à la mode : cabinet d’esthétique, sophrologie, yoga… Beaucoup s’orientent sur le conseil et la formation. Grâce à la structure porteuse, les jeunes formateurs peuvent profiter directement de certifications professionnelles sinon longues à obtenir. Une partie des projets relève toujours de l’artisanat : valorisation du vetiver, une plante utilisée en parfumerie et dans les cosmétiques ; aquaponie, un écosystème d’élevage de poissons et de cultures de plantes, etc.
Le réseau de la réussite
Avantage supplémentaire de la couveuse : les porteurs de projets bénéficient d’un énorme effet de réseau. Réu.sit est en effet connectée à l’ensemble des acteurs socio-économiques de l’île : chambres des métiers, boutiques de gestion, organisations patronales (CGPME, Medef..), technopole, structures de financement (banques, microcrédit, ADIE…), collectivités locales… Être labellisé "Réu.sit", c’est virtuellement intégrer tout l’éco-système économique régional. Cet effet réseau, classique pour toute couveuse de projets, est fortement accentué sur l’île d’une superficie de 2500 km2 (moins d’un tiers de la Corse) où les liens entre tous les acteurs sont très forts.
Mais loin de rester dans leur "zone de confort", les responsables de Réu.sit s’emploient à ouvrir à leurs protégés des horizons plus vastes. "Un territoire insulaire comme le nôtre subit une sorte de formatage à l’importation. Nous essayons quand c’est possible de pousser à l’exportation", avance Inel Olivar. Certaines micro-entreprises de l’agro-alimentaire parviennent parfois à présenter leurs produits au salon de l’agriculture à Paris, tandis que de jeunes consultants ou formateurs sont encouragés à toucher des clientèles plus lointaines et voisines, par exemple à Madagascar ou Mayotte.
Préparer l’avenir
Parce qu’elle mène simultanément une double mission d’aide à la création d’entreprise et d’insertion sociale et économique, la couveuse est désormais incontournable dans le paysage réunionnais. Tout l’enjeu est maintenant d’enrichir son appui aux candidats. Son directeur identifie deux leviers sur lesquels intervenir. Le premier, difficile à actionner, concerne le foncier. Les prix du mètre carré sur l’île sont devenus prohibitifs et posent concrètement la question de la disponibilité d’espaces de travail. Diverses opportunités d’implantations-test ou de partenariats avec d’autres structures ne sont plus envisageables avec l’envolée du prix du foncier.
Le second levier concerne les outils de travail à disposition des collaborateurs. La diversité des situations, des secteurs approchés, des cas de figure rencontrés est énorme. Aucune formation ad hoc n’existe pour les chargés de mission, par nature polyvalents. Chez Réu.sit, on plaide donc en faveur d’une modélisation informatique et méthodologique de l’accompagnement. De quoi rendre la couveuse plus performante et contribuer davantage à l’essor économique et social de la Réunion.
Un directeur "maison"
Inel Olivar, directeur de Réu-sit connait bien la couveuse de projet. À 38 ans, il y a fait l’essentiel de sa carrière. Lorsqu’il intègre la structure en 2009, il découvre tout à la fois le monde associatif, celui de l’insertion sociale, du management et de l’entreprise. Il fait alors le choix de mener un double apprentissage, un pied dans la vie active, un autre à l’université. Il décroche une licence, puis un master de gestion des organisations de l’économie sociale et solidaire. En parallèle, il occupe successivement la fonction d’assistant de projet, de coordinateur, et enfin de directeur de la couveuse réunionnaise.