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  • 01.04.2025

Rencontre avec Thomas Andreou, Chef d'unité à la Direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion à la Commission européenne

  Nous avons souvent tendance à parler de budgets et de procédures, mais il est important de toujours garder en vue la finalité de ce que l’on fait. Le FSE+ permet, en partenariat justement avec l’ensemble des acteurs locaux, d’apporter un vrai changement dans la vie de certains de nos concitoyens, y compris les plus vulnérables.

Thomas Andréou,

Chef d'unité à la Direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion à la Commission européenne

Monsieur Andreou, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

J’ai rejoint l’Unité France, Pays-Bas, Belgique et Luxembourg de la DG Emploi à la Commission européenne en septembre 2024. C’est une unité dont l’objectif est de contribuer aux objectifs du Socle européen des droits sociaux (développement de l’emploi, de l’inclusion sociale et des compétences), pour les 4 pays sous sa responsabilité. Pour ce faire, l’équipe s’appuie sur son rôle dans le Semestre européen et la gestion de deux fonds, le Fonds Social Européen Plus (FSE+) et le Fonds Social pour le Climat– un nouveau fonds qui devrait être mis en œuvre à partir de 2026.

Quelles sont les priorités du FSE+ jusqu’en 2027 ?

Les priorités du FSE+ jusqu’en 2027 restent similaires à celles des périodes de programmation précédentes, à savoir soutenir l’emploi, la protection sociale, la formation et l’inclusion. Par rapport aux périodes précédentes, le champ d’intervention du FSE+ s’est élargi à la lutte contre la pauvreté et à de nouveaux bénéficiaires, dont les jeunes enfants.

Lorsque je suis arrivé en septembre dernier, deux choses m’ont particulièrement marqué. Tout d’abord, que l’essence du fonctionnement du FSE+ est le partenariat. Partenariat entre l’Union Européenne, les États membres et les régions bien sûr, mais aussi partenariat avec l’ensemble de l’écosystème d’une région – professionnels, milieu éducatif, bénévoles. Ce n’est qu’au travers de tels partenariats que le FSE+ peut, je pense, répondre au mieux aux besoins des territoires.

Un deuxième élément marquant, c’est l’impact sur le terrain du FSE+. Nous avons souvent tendance à parler de budgets et de procédures, mais il est important de toujours garder en vue la finalité de ce que l’on fait. Le FSE+ permet, en partenariat justement avec l’ensemble des acteurs locaux, d’apporter un vrai changement dans la vie de certains de nos concitoyens, y compris les plus vulnérables.

J’étais par exemple il y a quelques semaines au centre de formation et d’apprentissage compagnonnique d’Orléans. C’est un centre qui accompagne près de 250 personnes par an, souvent éloignées du marché du travail ou en reconversion, aux métiers de la construction et de la rénovation énergétique. Grâce au suivi individualisé des apprentis, et à des partenariats avec des dizaines d’entreprises de la région, le centre permet d’assurer un emploi à plus de 90% des participants, certains d’entre eux créant même leur entreprise à l’issue de la formation.

Autre exemple, le forum des métiers à Dijon les 19 et 20 mars, qui a pu présenter près de 150 métiers à près de 10 000 visiteurs, notamment des lycéens, et ce grâce à l’implication de nombreux professeurs, professionnels et bénévoles de la région. Parions que cet événement fera naitre des vocations et permettra aussi de favoriser l’emploi sur un certain nombre de métiers en tension.

Je souhaite mentionner enfin que le FSE+ finance près de 30% de l’aide alimentaire délivrée par les principales associations en France. C’est une véritable aide pour beaucoup de personnes dans le besoin.

Généralement, nous estimons que 1 euro investi dans le FSE+ devrait correspondre à un retour de 1,5 euro en termes de croissance de PIB européen d’ici 2030, soit un retour sur investissement de 50%, ce qui est considérable. Mais au-delà des aspects économiques très positifs, le FSE+ est aussi un investissement dans le capital humain, l’intégration sociale, et globalement les valeurs du modèle social européen qui sont si importantes.

 

Quels sont les enjeux que vous identifiez en particulier pour la France au regard du marché du travail et de la situation sociale du pays ? Comment le FSE+ peut y contribuer ?

À la DG Emploi, nous suivons de très près les développements sur le marché du travail ainsi que la situation sociale. Ceci se fait dans le cadre du Semestre européen, au travers duquel nous publions chaque année notre analyse et nos recommandations pour chaque État membre.

La France est actuellement confrontée à plusieurs défis importants. Tout d’abord, en ce qui concerne l’emploi, le taux d’emploi, bien qu’en augmentation, reste faible et le taux de chômage reste élevé par rapport au niveau de l’UE, en particulier chez les jeunes. Par ailleurs, l’intégration des groupes vulnérables (les personnes issues de l’immigration, des personnes peu qualifiées, des seniors et des personnes en situation de handicap) sur le marché du travail reste un défi.

En matière de compétences, la France doit également faire face à l’évolution des besoins notamment, liée aux transitions numérique et verte.

Finalement, la France connaît depuis plusieurs années une augmentation de son taux de pauvreté et d’exclusion sociale, y compris une augmentation de la pauvreté infantile (taux supérieur à la moyenne de l’UE en 2023). Les groupes vulnérables sont les plus touchés par le risque de pauvreté et d’exclusion sociale (familles monoparentales, personnes issues de l’immigration, personnes peu qualifiées), et ces défis sont exacerbés dans les régions ultrapériphériques.

Le FSE+ peut contribuer de manière significative à relever ces défis. Tout d’abord, en soutenant les programmes de formation et de reconversion professionnelle pour les demandeurs d’emploi, afin de les aider à acquérir les compétences nécessaires pour trouver un emploi ou créer leur propre entreprise. Le FSE+ peut également aider à promouvoir l’égalité des chances et la non-discrimination et il permet de soutenir l’inclusion active des groupes les plus éloignés du marché du travail, ainsi que l’inclusion sociale des personnes exposées au risque de pauvreté et d’exclusion sociale, y compris des enfants (par exemple accès au droit, accompagnement des enfants vers l’intégration sociale, maintien dans le logement, etc.).

Dans l’ensemble, je suis convaincu que le FSE+ peut jouer et joue un rôle important pour aider la France à relever les défis mentionnés, et pour promouvoir une croissance inclusive et durable.

Pourquoi est-il important de communiquer sur l’apport du FSE+ ? Comment accroître la visibilité de l’apport du FSE+ en France ?

L’Europe, c’est bien sûr de grandes idées et des décisions politiques - avec un processus décisionnel qui peut paraitre parfois un peu complexe. Mais l’Europe c’est aussi la cohésion territoriale, l’inclusion sociale et des actions très concrètes sur le terrain qui amènent une vraie valeur ajoutée à nos concitoyens.

Dans ce cadre, la communication du FSE+ est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Elle est, selon moi, essentielle car elle permet d’amener l’Europe au plus près des territoires et permet d’illustrer, concrètement, les valeurs européennes du modèle social européen. Son importance est d’autant plus exacerbée dans le contexte politique et géopolitique actuel.

En France, il me semble que de grands efforts sont faits pour communiquer sur le FSE+ sur internet et les réseaux sociaux, et je souhaite prendre l’opportunité de remercier l’ensemble des personnes impliquées dans ces campagnes de communication. Nous avons bien sûr les sites internet du FSE+ en France, de l’Europe s’engage en France, et du Soutien européen à l’aide alimentaire, ainsi que les sites de chaque région française. Le FSE+ est également mis en avant lors d’inaugurations de certains projets, ce qui permet également de créer un contact direct entre les citoyens et les porteurs de projets. Il est vrai que la communication FSE+ est moins présente dans les grands médias traditionnels, mais ceci n’est pas spécifique à la France et touche l’ensemble des problématiques européennes, pas seulement le FSE+.

De notre côté, à la DG Emploi, nous développons des activités de communications en étroite collaboration avec des collègues qui s'occupent de la communication FSE+ au niveau central et dans les régions en France. Nous essayons également d’accroître la visibilité de l’apport du FSE+, par exemple en publiant des articles avec des témoignages concernant les parcours de réussite des bénéficiaires du FSE+, sur notre site internet : Projects | European Social Fund Plus et sur Kohesio, la base de connaissances centrale sur les fonds de cohésion de l'UE. Nous essayons d’augmenter progressivement le nombre de projets publiés sur le site, dans chacun des domaines qu’ils couvrent (emploi, compétences, inclusion sociale) et dans chaque État membre.

Nous relayons également l’information sur les réseaux sociaux des visites de projets pour montrer l'impact concret des financements. Un autre exemple est la diffusion de plusieurs épisodes sur le FSE sur Euronews ces dernières années, dont voici un épisode : Homes, training and jobs: what’s the reality of Social Europe? | Euronews