Nouvelle chance : un collège spécial dédié aux décrocheurs

Un projet partenarial avec les acteurs de l’éducation du territoire

Tout a commencé par une rencontre, en 2013, entre les représentants de la Fondation des apprentis d’Auteuil - implantés depuis 40 ans dans la Sarthe - et la Direction départementale de l’enseignement. À la recherche de partenaires avec lesquels mettre en œuvre son projet de dispositif expérimental en direction des jeunes déscolarisés ou en cours de déscolarisation, la Fondation prend attache avec le Directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) de la Sarthe. Cette initiative en phase avec les objectifs de la politique d’insertion de l’Académie de Nantes aboutit à la signature d’une 1^ère convention triennale entre la Fondation, le Rectorat ainsi que la Direction diocésienne de l’enseignement catholique (DDEC) du département (renouvelée en 2018). Installé dans les locaux de l’école Saint Martin, dans le centre-ville du Mans, le Collège Nouvelle Chance accueille ses premiers élèves à la rentrée 2014.

L’innovation au bénéfice de jeunes particulièrement fragiles

« Notre souhait était dès le départ de proposer un dispositif innovant », explique Mme Delafosse, Directrice de l’établissement. « Innovant dans les méthodes pédagogiques et éducatives mobilisées et par le cadre d’enseignement, puisqu’il s’agit d’accompagner des collégiens en dehors d’un collège, via un parcours en entrées-sorties permanentes. » 

Établissement scolaire privé sous contrat, le Collège Nouvelle Chance accueille et scolarise jusqu’à 30 jeunes issus de collèges publics ou privés du département, principalement de classes de 4ème et de 3^ème. Âgés de 13 à 16 ans, tous présentent des fragilités différentes : marginalisation sociale, difficultés persistantes dans la maîtrise des apprentissages déficit d’investissement, voire rejet de l’institution scolaire se traduisant par de l’absentéisme ou une déscolarisation. « Ces jeunes ont d’abord besoin de retrouver le plaisir d’aller à l’école », indique Mme Delafosse. « Être assis à une table et suivre un cours selon les modalités ″traditionnelles″ ne leur convient pas. Soit ils mettent le bazar, soit ils ne viennent tout simplement plus. Il faut leur proposer autre chose, d’autant que la crise sanitaire liée au Covid les a encore un peu plus éloignés de l’école. » 

Un modèle pédagogique en constant renouvellement

Cette « autre chose » appliquée au Collège Nouvelle Chance vise à remobiliser les jeunes et leurs familles, valoriser les acquis et révéler les talents durant une année scolaire, deux tout au plus. Pour ce faire, l’établissement propose des temps de travail personnalisés axés sur la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ainsi que sur l’apprentissage des règles de vie en société et de la citoyenneté (langage et tenue vestimentaire appropriés, prévention des conduites à risque…). Les jeunes sont encadrés par une équipe pluridisciplinaire (enseignants, professeur d’EPS, cadre éducatif et scolaire, moniteurs-éducateurs) qui conserve un lien étroit avec les familles tout au long du parcours. La réussite de la démarche passe enfin par un projet de retour en scolarité ordinaire, en collaboration avec le collège d’origine ou avec le lieu d’accueil à la sortie du Collège Nouvelle Chance.

La remobilisation des jeunes passe donc par une alternance d’activités (temps scolaires, projets éducatifs, activités sportives et artistiques…) et des modalités pédagogiques adaptées. « Plutôt qu’une approche ″descendante″, nous préférons nous baser sur les envies et les besoins exprimés par les jeunes, dans une logique d’écoute et de bienveillance. Notre modèle, c’est celui de la libre expression mise au point par les époux Freinet. Ce qui compte, c’est que les jeunes participent et s’impliquent. Il ne doit pas y avoir de jugement porté. »

Cette approche basée sur le principe du collégien « acteur de son apprentissage » a quelque peu évolué à la rentrée 2022. Un changement nécessaire selon Mme Delafosse « afin de mieux répondre aux profils et aux besoins des jeunes accompagnés. » La pédagogie coopérative et personnalisée inspirée de Pierre Faure, créateur du Centre d'Études Pédagogiques (CEP), est ainsi expérimentée depuis quelques semaines. Selon ce modèle, l’espace de la classe doit être aménagé pour faciliter l’activité personnelle et les temps collectifs. Ce sont les élèves qui se déplacent et non plus les enseignants. L’organisation du temps est également différente : un temps de travaux personnels est prévu en fin de journée. « Le programme de travail est établi pour 15 jours. Les jeunes choisissent à quel moment, durant ces 2 semaines, se dérouleront les activités prévues. Il n’y a pas de classe au sens propre du terme. Les jeunes se déplacent d’un groupe à l’autre comme ils le souhaitent. Les enseignants n’ont donc pas toujours à faire face au même collectif. Et les rivalités n’ont pas le temps de s’installer. C’est un gros défi en termes d’organisation, aussi bien pour les enseignants qu’en matière d’aménagement des locaux. Mais les effets positifs sont déjà perceptibles : les jeunes sont plus calmes, plus sereins. » 

Des résultats encourageants

Depuis sa création en 2014, 176 collégiens ont été accompagnés par les équipes du Collège Nouvelle Chance. Parmi les élèves de 3^ème, certains ont pu préparer le Certificat de Formation Générale (CFG) ou le Diplôme National du Brevet (DNB). D’autres ont intégré un cursus professionnel préparant à un Certificat d’Aptitude Professionnelle (CAP) ou une formation en apprentissage. Le lien avec les enseignants est souvent maintenu, signe de la reconnaissance que les collégiens portent à l’équipe qui les a accompagnés.