- Dossier
- 24.09.2020
La lutte contre le décrochage scolaire en France et le FSE
4 millions de jeunes en décrochage scolaire en Europe et 450 000 en France en 2016, tout autant de chemins alambiqués menant à des situations souvent de déshérence et de précarité… Dès lors, la lutte contre le décrochage scolaire devient une priorité. Une priorité nationale et européenne, un véritable enjeu dans le cadre de la Stratégie Europe 2020. Pour que chaque jeune puisse réussir son avenir, soit accompagné et aidé, de nombreuses mesures sont déployées. Le Fonds social européen prend une place importante dans ces démarches pour lutter contre le décrochage scolaire. Derrière ce phénomène, ce sont des élèves, des histoires, des vies. Plongez au cœur de la mobilisation des acteurs du FSE (programme opérationnel de l’État).
1. Le décrochage scolaire : une définition
Le décrochage scolaire, c’est quoi ?
« Sortir du système scolaire sans avoir obtenu de diplôme ». C’est une définition du décrochage scolaire. En 2013, l’Insee définissait un profil de « décrocheur » comme « un élève qui quitte un cursus de l’enseignement secondaire sans obtenir le diplôme finalisant cette formation (…). Le décrocheur peut être un élève diplômé d’un CAP ou d’un BEP qui entame un parcours menant au baccalauréat professionnel ou technologique mais qui quitte le lycée sans l’obtenir ».
Selon le Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO), en France, en 2016, environ 450 000 jeunes, entre 18 et 24 ans n’ont pas été diplômés ou n’ont obtenu pas plus que le diplôme national du brevet, voire n’ont suivi aucune formation. Un nombre en nette diminution puisqu’en 2020, 80 000 jeunes sortent sans qualification.
Cependant, trop de jeunes quittent encore le domaine scolaire avec tout au plus un diplôme de premier cycle du secondaire, en particulier dans les départements et régions d’Outre-Mer (20,6% en 2017).
En Europe, en 2016, on comptait encore plus de 4 millions de jeunes en décrochage scolaire, et seuls environ 45% d’entre eux ont aujourd’hui une activité professionnelle (Source : Commission européenne). Aujourd’hui, ils seraient plus d’1 million.
En 2018, la plus forte proportion de départs anticipés de l’école a été enregistrée en Espagne, à Malte, en Roumanie, en Italie, en Bulgarie, en Hongrie, au Portugal, en Estonie et au Royaume-Uni. En observant les données récentes, certains États membres d’Europe du Sud, tels que le Portugal, l’Espagne et Malte, ont connu une baisse remarquable du décrochage scolaire tandis que d’autres pays d’Europe de l’Est tels que la Slovaquie, la République Tchèque, la Suède, la Hongrie et la Roumanie ont connu une augmentation du décrochage scolaire. (Source : Evaluation of the ESF support to Education and Training -Thematic Objective 10-).
Aujourd’hui, dix-sept États membres de l’Union Européenne ont déjà atteint l’objectif fixé par la stratégie Europe 2020 consistant à faire passer le taux de décrochage scolaire sous les 10%. La Lettonie (10,0%) et l’Allemagne (10,3%) en sont très proches, et l’Italie a toutefois réussi à atteindre son objectif national de 16%.
Pour comprendre un peu mieux qui sont ces jeunes, Eurostat a mené une étude pour la Commission européenne en 2016. En Espagne, en Lettonie, à Malte et à Chypre, le décrochage scolaire touche plus particulièrement les garçons plutôt que les filles. D’autre part, dans l’Union européenne, le taux de décrochage des personnes nées à l’étranger est près de deux fois plus élevé que celui de la population autochtone.
Jeunes en situation de décrochage scolaire en 2020
Chaque année, des jeunes quittent le système de formation principale sans avoir obtenu un diplôme ou une qualification à des fins professionnelles. Ce phénomène regroupe de nombreuses réalités et est la conséquence d’un désintérêt progressif de l’élève pour l’école selon le code de l’éducation. Conditions économiques et sociales, santé, territoire, orientation, problèmes familiaux, difficultés scolaires… Il existe une pléthore de raisons pour un décrochage. Quelles sont les causes majeures du décrochage ? Peut-on définir une typologie d’élèves ayant quitté le système scolaire sans diplôme ?
Existe-t-il une typologie de décrocheurs ?
Le phénomène n’est pas nouveau, pourtant, les textes officiels ne mentionnent le décrochage scolaire que depuis peu alors que les sociologues et autres chercheurs ont publié de nombreux écrits sur le sujet. En effet, le décrochage scolaire n’est pas homogène et il est impossible de ranger tous les cas dans une même catégorie.
Plusieurs typologies ont été développées dans le but de savoir comment répondre à ce phénomène et mieux comprendre la problématique. Elles présentent différentes caractéristiques de décrocheurs en fonction du point de vue adopté.
En 1974, Delbert Elliott et Harwin Voss font le lien entre décrochage scolaire et délinquance pendant que Reich et Young, dans les mêmes années, récoltent des données objectives sur le rendement scolaire et les raisons d’abandon. Plus tard, en 1990, Kronick et Hargis font le lien entre les difficultés scolaires et les problèmes du comportement. En 2006, par exemple, Potvin, Fortin et Girard se basent sur une étude de 11 ans (1996-2007) et dévoilent quatre types de décrocheurs selon trois variables : le rapport à l’école, le contexte familial et l’aspect personnel.
Ils identifient le type d’élèves « peu intéressés » qui représente 40% des jeunes et dans lequel la performance scolaire est très bonne sauf qu’ils s’ennuient. Le type « troubles de comportement et difficultés d’apprentissage » qui comprend 30% des élèves à risque de décrocher. Celui de « conduites antisociales cachées » qui englobent des élèves avec des problèmes familiaux et étant impliqués dans des activités de délinquance. Et enfin le type « dépressif », soit 11 % des jeunes à risque, qui présentent le plus de problème au sein de la famille et manquent notamment de soutien affectif. (Retrouvez tous les détails et conclusions dans l’étude de Diane Lafond, pages 4 à 13.)
Indépendamment de la typologie retenue, ce qu’il faut retenir c’est que systématiquement plusieurs facteurs doivent être pris en compte pour appréhender ce phénomène :
- milieu socio-économique défavorisé
- difficultés scolaires précoces
- expériences scolaires négatives
- contexte scolaire défavorable
- contexte territorial difficile
Il s’agit d’un phénomène complexe qui impose la mise en œuvre de dispositifs adaptés à tous les profils.
2. Le décrochage scolaire : une cause, pas une fatalité, soutenue par le FSE
Comment lutter contre le décrochage scolaire ?
Les chercheurs prônent, en conséquence, des programmes de prévention différents pour s’adapter à tous les types de typologie, mais également des dispositifs de lutte pour répondre à tous les besoins de ces jeunes décrocheurs ou en risque de décrochage.
La France s’est engagée à mettre en place une politique partenariale de lutte contre le décrochage scolaire. Tous les acteurs et structures pour la formation et l’insertion des jeunes sont concernés et mobilisés. L’Éducation nationale a également porté des évolutions importantes qui se sont traduites notamment sur le plan législatif : le droit au retour en formation pour tous les jeunes sortis du système éducatif sans diplôme ni un niveau suffisant de qualification (article L-122 du code de l’éducation) et l’obligation de formation pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans (article L-144 de ce même code).
Les premiers travaux pour lutter contre ce phénomène ont déjà porté leurs fruits : en France, le taux de décrocheurs a baissé et s’élève en 2020 à 8,2%, soit l’équivalent de 80 000 jeunes ayant « décrochés ». La politique de prévention et de lutte contre le décrochage continue d’avoir des effets positifs en France et en Europe.
Au niveau européen, la stratégie de l’Union européenne avait fixé pour 2020 un seuil à ne pas dépasser de 10% de jeunes de 18 à 24 ans qui quittent le système scolaire sans diplôme et sans avoir suivi de formation. En 2013, le taux européen était de 12 %. La France a déjà atteint les objectifs fixés. (Source : Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports en France).
En 2020, les mesures de lutte contre le décrochage scolaire en France ont été renforcées pour la rentrée scolaire. L’obligation de formation qui vise à ce « qu’aucun jeune de moins de 18 ans ne se trouve sans solution et soit scolarisé, en formation, ou en emploi » a été mise en place, comme annoncé par le Président de la République lors de la rentrée 2018. C’est l’article 15 de la loi n°2019-791 du 26 juillet 2019 « pour une école de la confiance » qui concrétise l’engagement du gouvernement français de lutter contre la pauvreté et le décrochage des jeunes les plus fragiles. Légalement, chaque jeune entre 16 et 18 ans a désormais le droit d’intégrer un parcours adapté à ses besoins.
La lutte contre le décrochage : un enjeu fort du Fonds social européen
Dans tous les pays de l’Union européenne, et notamment en France, les actions de prévention et d’intervention peuvent être cofinancées par le Fonds social européen. De nombreux dispositifs sont ainsi soutenus : les actions de prévention de l’échec scolaire ; l’accès à l’information et à la diffusion d’information sur les secteurs ; la promotion des métiers porteurs et du marché du travail pour favoriser l’orientation positive et active ; l’accompagnement adapté des jeunes en risque de décrochage scolaire ; ou encore des actions de communication et de sensibilisation autour de cette problématique.
Pour la France, ce soutien s’est traduit par une aide de près de 490 millions d’euros pour la période 2014-2020. Dans le pays, le Fonds social européen est mobilisé autour de trois domaines : l’apprentissage, l’enseignement supérieur et la lutte contre le décrochage scolaire. En 2020, l’État français a publié un appel à projets relatif à cette lutte afin de répondre aux enjeux de la crise sanitaire notamment. Deux opérations qui ont été conventionnées pour un montant de 6,6 millions d’euros et financées à 100% par le FSE.
L’une des priorités d’investissement du Programme Opérationnel national du FSE qui cible notamment les moins de 25 ans a pour objectif l’augmentation du nombre de jeunes participant à des actions de prévention du décrochage scolaire. Les Programmes Opérationnels régionaux sont eux axés sur le décrochage en lui-même. Les actions du FSE sont particulièrement complémentaires. En parallèle, le Fonds social européen soutient également des actions pour une meilleure adaptation des enseignements et des pédagogies pour les publics fragilisés.
Le FSE finance des initiatives nationales mais aussi régionales. En effet, les régions soutiennent également les actions de raccrochage scolaire, y compris au profit des Écoles de la deuxième chance (E2C) qui œuvrent pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Elles sont financées à 14,3% par le FSE, en complément notamment de crédits régionaux (31,5%).
Au total, le Fonds social européen et l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ) ont permis d’accompagner 180 000 participants âgés de moins de 25 ans, notamment de faible niveau de formation (entre 2014 et 2020).
Le sujet du décrochage scolaire restera l’un des axes prioritaires du FSE+ sur la prochaine programmation. En effet, celle de 2014-2020 touche à sa fin et l’élaboration du « FSE post 2020 » est en cours. Le FSE+ va poursuivre les actions du FSE dans trois grands domaines : l’accès à l’emploi, notamment pour les jeunes, et l'efficacité des institutions du marché du travail ; l’éducation, la formation et l'apprentissage tout au long de la vie ; l’inclusion sociale, la santé, la protection sociale et la lutte contre la pauvreté.
L’objectif ? Accompagner le maximum de jeunes en difficulté.
Télécharger le rapport final de l’évaluation d’impact de l’axe 1 du POn FSE comprenant les effets de la mobilisation de la priorité d’investissement 10.1 sur la prévention du décrochage scolaire et des fiches sur des parcours de jeunes accompagnés.
3. Le décrochage scolaire : des histoires et des actions soutenues par le FSE
Le décrochage scolaire possède différents visages : « L’école et moi, ça n’a jamais collé. » Benjamin, 14 ans ; « Aujourd’hui je sais que je veux un travail manuel. À l’époque, je ne le savais pas et j’ai fait confiance. » Charlotte, 19 ans ; « C’est à partir du lycée que j’ai eu de gros problèmes de harcèlement, dès le premier jour. » François, 17 ans.
- « À l’école, on rigole pas »
Benjamin ne s’est jamais bien senti à l’école, ses problèmes de comportements ont toujours été un frein pour apprendre et il ne voyait pas d’intérêt aux enseignements. C’est en fin de 5e qu’on lui a proposé de rejoindre la classe Monet, c’était ça ou l’exclusion.
Ce dispositif a été mis en place par la Fondation Apprentis d’Auteuil et le Collège Marcel Callo. L’initiative ? Permettre aux jeunes démobilisés de bénéficier d’une pédagogie personnalisée pendant une période définie. L’élève doit se fixer des objectifs, à court et long terme.
Avec une dizaine d’autres élèves de différents niveaux, Benjamin reçoit un enseignement particulier pour la majorité des matières. L’accompagnement soutenu et la méthode de sa professeure permet à Benjamin de se concentrer : « Avec elle c’est « donnant-donnant » : si on travaille bien, elle est sympa, sinon elle devient stricte. Cela motive à travailler. J’ai appris qu’il existe un temps pour rigoler, et un temps pour travailler. »
- « Je ne connaissais personne mais déjà on me regardait mal »
François, lui, n’avait pas le cœur à rire à l’école. Après des années sans problèmes et avec de bons résultats, c’est au lycée que tout a basculé. Victime de harcèlement, il a quitté le parcours scolaire pendant 6 mois. Il avait pourtant prévenu la psychologue de l’école, sa principale et sa conseillère d’orientation : « Rien n’a été fait, alors j’ai décidé de partir. »
Finalement, il entend parler de la classe Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire (MLDS) et se décide à reprendre ses études. « Je ne voulais pas perdre une année entière et c’était ce qu’il y avait de mieux avant d’intégrer mon cursus de BAC professionnel. Ensuite, mes bulletins étaient bons et j’ai été accepté en BAC Pro. »
- « Le stage avec le tourneur d’art sur bois c’était génial, j’ai adoré. »
Quant à Charlotte, le Baccalauréat, elle l’a déjà obtenu. Après avoir suivi une filière sport au lycée, c’est tout naturellement qu’elle décide de poursuivre dans ce domaine à l’université. En cours d’année, Charlotte réalise qu’elle n’a pas le niveau dans certaines matières scientifiques et redouble sa première année. À son retour à l’université, elle se décide à parler au conseiller d’orientation et revient sur les premières pistes de métiers qu’elle avait déjà en tête en 3ème : la restauration, l’artisanat pour travailler le bois ou le métier de fleuriste.
Charlotte découvre ainsi le programme de l’université de Franche-Comté : l’Aide à la réussite pour la réduction et la prévention du décrochage scolaire. Ce dispositif lui permet d’identifier ses envies et ses compétences, d’être accompagnée et de s’inscrire à des stages. « L’accompagnement et le fait de pouvoir faire relire ses CV et corriger ses lettres de motivation, cela permet de se sentir de nouveau motivée par son avenir professionnel. »