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Transition écologique
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- 17.07.2023
Les achats responsables
Notre société fait aujourd’hui face à des enjeux environnementaux et sociaux majeurs, dans un contexte de transition écologique et de persistance de vulnérabilités sur le marché du travail pour les groupes sociaux les plus défavorisés.
Pour apporter des éléments de réponse, le programme national FSE+ 2021-2027 (priorité 1 – objectif spécifique H) prévoit de soutenir des actions visant à impliquer les entreprises dans une démarche inclusive, sous la forme de conseils ou d’appui aux services de ressources humaines ou d’accompagnement par les partenaires sociaux, dont des actions qui visent à développer les aspects sociaux et les achats responsables dans la commande publique et la commande privée¹.
L’achat responsable constitue un levier d’action majeur pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux d’aujourd’hui. L’AFNOR, l’association française de normalisation, le définit comme l’achat de biens ou de services auprès d’un fournisseur ou d’un prestataire sélectionné pour minimiser les impacts environnementaux et sociétaux.
De fait, en soutenant le développement de ce type d’achat dans la commande publique et privée, l’objectif est de contribuer à la transformation de nos modalités de production ; les biens et services d’aujourd’hui étant incités à devenir plus socialement et écologiquement responsables.
Le développement des achats responsables dans la commande publique
Le développement des achats responsables dans la commande publique s’inscrit dans la continuité de la législation européenne. Ce sont notamment deux directives qui ont posé les premiers jalons européens des achats responsables dans la commande publique : la directive n° 2014/24 sur la passation des marchés publics et la directive n° 2014/25 relative à la passation des marchés passés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. Ces textes européens fixent des objectifs de développement durable aux acheteurs publics et aux opérateurs économiques, et offrent la possibilité d’intégrer des considérations sociales et environnementales dans les achats publics.
De cet élan européen a, en partie, découlé des textes réglementaires, à l’échelle des Etats membres, ayant pour objectif de développer les achats responsables dans la commande publique. En France par exemple, l’achat responsable fait l’objet d’une législation et d’un encadrement spécifique, codifié dans le code de la commande publique.
Pour autant, pour assurer son bon développement opérationnel, des outils ont été créés, notamment des outils de planification selon différentes échelles d’intervention.
Le plan national pour des achats responsables (PNAD). Bien que juridiquement non contraignant, le PNAD constitue une feuille de route nationale portant des objectifs à atteindre en matière d’achats responsables pour la commande publique. En cohérence avec la règlementation européenne, la programmation 2022-2025 du PNAD fixe deux objectifs :
D’ici 2025, 100% des contrats de la commande publiques notifiés au cours de l’année devront comprendre au moins une considération environnementale, c’est-à-dire la prise en compte de la dimension environnementale dans l’acte d’achat (par exemple : caractère réutilisable/ recyclé/ reconditionné / recyclable des produits, économies d’énergie, prévention de la production des déchets et la valorisation des déchets, etc.) ;
D’ici 2025, 30% des contrats de la commande publiques notifiés au cours de l’année devront comprendre au moins une considération sociale, c’est-à-dire la prise en compte de la dimension sociale dans l’acte d’achat (par exemple : insertion des publics éloignés de l’emploi et de personnes en situation de handicap, lutte contre les discriminations, respect des exigences éthiques ou équitables, performance dans la protection ou la formation des salariés, en lien avec la prestation commandée, etc.).
Le Schéma de Promotion des Achat publics Socialement et Ecologiquement Responsables (SPASER). La loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 a instauré l’obligation d’adopter et de publier un SPASER pour les collectivités territoriales, leurs groupements et les acheteurs soumis aux dispositions du code relatives aux marchés publics ayant un statut de nature législative. Depuis le 1er janvier 2023, seuls ceux ayant un volume d’achats d’au moins 50 millions d’euros – contre 100 millions auparavant – sont tenus d’en élaborer un. Néanmoins, il est possible d’en adopter un sans y être contraint légalement, comme l’a pu le faire la ville de Grenoble en 2014. En tout, au moins une cinquantaine de collectivités ont d’ores et déjà adopté une telle feuille de route et de nombreuses collectivités sont en train de l’élaborer.
Ces outils de planification visent, par l’encadrement, à assurer la bonne progression des achats durables dans la commande publique. Cependant, la croissance des ambitions, notamment posées par le PNAD, implique une montée en compétences rapide des décideurs et des acheteurs publics sur les achats responsables. Ainsi, la formation et l’accompagnement des acteurs publics dans leurs démarches d’achats responsables devient un enjeu majeur. Il s’agit de s’assurer à ce que les acteurs soient suffisamment informés sur le sujet, et de veiller à ce que les outils mis à disposition soient suffisamment connus et accaparés. Pour ce faire, des outils d’accompagnement ont été élaborés.
Le guichet Vert. Mis en place dans le cadre du PNAD 2022-2025 à titre expérimental, le guichet Vert est un service gratuit de conseil proposé aux acheteurs publics sur la thématique des achats responsables. Il propose un « premier niveau » d’accompagnement sur l’intégration des considérations environnementales dans les achats, que cela soit sur l’approche à adopter ou sur un acte d’achat en particulier.
La plateforme Rapidd. Créée dans le cadre du PNAD, la communauté d’achat durable nommée « Rapidd » est une plateforme d’échanges entre acteurs de la commande publique sur les achats responsables. Elle permet par cela le partage d’information, de bonnes pratiques, de ressources et de retours d’expériences.
La commande publique, un levier pour inciter les entreprises à être plus vertueuses
La commande publique représente 8 à 10 % du PIB, soit 110 milliards d’euros hors taxes de budget annuel, et concerne 130 000 acteurs publics et privés². Par son poids dans l’économie, elle représente donc une opportunité pour faire évoluer l’offre des entreprises, notamment des TPE/PME, vers des produits et des services plus socialement et écologiquement responsables. Dans ce but, les pouvoirs publics ont intégré des dimensions sociales et environnementales aux marchés publics.
Les clauses sociales
Les clauses sociales sont un levier significatif pour favoriser l’inclusion. Le prestataire à qui le marché est attribué se doit de réserver une partie des heures de travail à des personnes éloignées de l’emploi et/ou en situation de fragilité, telles que des demandeurs d’emploi de longue durée, des personnes en situation de handicap, des titulaires de minima sociaux ou des jeunes sans qualification. Dans ce cadre, les entreprises peuvent soit embaucher directement les personnes en insertion, soit sous-traiter ou proposer une mise à disposition du personnel à une structure qui recrute plus spécifiquement les publics ciblés (les structures d’insertion pour l’activité économique notamment). Si les clauses sociales se sont beaucoup développées, elles restent aujourd’hui sous-utilisées : en 2020, selon les chiffres du recensement économique de l’achat public publiés, 12,5 % des marchés publics supérieurs à 90 000 euros HT intègrent une clause sociale.
Les clauses sociales doivent faire face à de nombreux enjeux pour se développer. Alors qu’elles ont historiquement été mises en œuvre dans le secteur des travaux publics, une diversification des secteurs doit désormais être engagée pour l’intégration de clauses sociales d’insertion, notamment pour élargir les catégories de publics concernés. Il apparaît également impératif de permettre une diversification des formes contractuelles, en mobilisant davantage les clauses dans les contrats de concession et délégation de service public.
Le facilitateur de « clauses sociales »
Les clauses sociales sont un dispositif soutenu par le Fonds social européen depuis plusieurs générations de programmes notamment à travers le financement de facilitateurs de clauses.
Sur la période 2014-2020, ce sont plus de 620 opérations qui ont été soutenues, mobilisant plus de 27,5 millions d’euros de FSE (données à décembre 2022)³.
Les principaux porteurs de projets sont :
- les associations (dont PLIE, missions locales, maison de l’emploi) pour plus de 59% des opérations,
- les collectivités locales (dont les Départements) représentant 39% des opérations,
- et les GIP pour de 2% des opérations.
Les facilitateurs de clauses ont pour mission notamment :
- d’accompagner les titulaires de marché dans la définition du besoin de recrutement (nature du poste, compétence…) et de lui proposer les modalités les plus appropriées de mise en œuvre de la clause d’insertion (embauche directe, mise à disposition, etc.) ;
- d’identifier les publics susceptibles de répondre au besoin des titulaires ;
- d’organiser le suivi des publics ;
- de mesurer et de communiquer auprès des acheteurs et des titulaires sur les réalisations obtenues dans le cadre du marché.
Dans son bilan « La clause sociale en 2020⁴», Alliance Ville Emploi recensait, en fin d’année 2021, 513 facilitateurs au sein de 366 structures. « En 2020, un facilitateur à temps plein a pu, en moyenne, par son action, en travaillant avec 10 donneurs d’ordre, sur 151 marchés, susciter près de 59.600 heures d’insertion (37 ETP annuels) qui ont engendré pour 145 participants près de 191 contrats de travail au sein de 60 entreprises ».
Les marchés verts et clauses environnementales
Les acheteurs publics ont la main sur plusieurs leviers permettant l’intégration de critères environnementaux dans leurs marchés. Ils ont notamment la possibilité de passer des marchés verts, qui leur permettent d’acquérir des biens et/ou services dont l’impact environnemental est moindre que celui de biens et/ou services qui servant les mêmes fonctions. Il est également possible de prévoir des clauses environnementales dans leurs marchés. Cependant, tout comme les clauses sociales, ces clauses environnementales sont aujourd’hui encore trop faiblement utilisées : selon l’observatoire de la commande publique (l’OECP), en 2020, 13,6 % des marchés publics comprenaient une clause environnementale, soit un résultat 2 fois inférieur à l’objectif fixé par le PNAD 2015-2020 de 30 % de marchés comprenant au moins une disposition environnementale⁵.
Ainsi, en raison d’une progression encore trop faible de la prise en compte des considérations sociales et environnementales dans les marchés publics, et compte tenu des objectifs fixés par le PNAD 2022-2025, les pouvoirs publics ont mis en place de nouvelles obligations :
Depuis le 1er janvier 2022, les acheteurs publics sont tenus d’inclure des biens issus du réemploi de la réutilisation ou du recyclage dans leurs achats dans des proportions comprises obligatoirement entre 20 % et 40 % selon le type de produits (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire de février 2020) ;
D’ici 2026, les acheteurs publics devront bientôt obligatoirement prendre en compte des considérations sociales et environnementales pour passer un marché avec un prestataire. Ces derniers devront non seulement tenir compte des objectifs de développement durable dans la détermination de leur(s) besoin(s) (spécifications techniques), mais également prendre en compte des caractéristiques environnementales de l’offre pour l’attribution du marché, et des considérations à l’environnement et au domaine social ou à l’emploi dans les conditions d’exécution du marché (loi climat et résilience du 22 août 2021, article 35).
Pour ce faire, les acheteurs publics peuvent notamment se référer à des labels pouvant être obtenus par les entreprises ou des normes existantes.
Un exemple de label : le label RFAR
Le label Relations fournisseurs et achats responsables (RFAR) a pour objet de valoriser une certaine qualité et durabilité des relations clients-fournisseurs, ainsi qu’une démarche d’achats responsables entreprise par l’acteur (construction d’un projet interne d’achat responsable, formation des équipes aux méthodes d’ingénierie d’achats durables…).
Un exemple de norme : la norme ISO 26000
La norme ISO 26000 « définit les termes, principes, pratiques et questions centrales de la responsabilité sociétale⁶». Dans ce cadre, elle décline les grandes lignes de la Responsabilité Sociale des Organisations (RSO, équivalent de la RSE) dans le cadre des achats.
Aujourd’hui, plusieurs enjeux…
Ces nouvelles dispositions représentent une opportunité pour les structures de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) et pour les structures employant des travailleurs en situation de handicap/personnes éloignées de l’emploi. Elles auront la possibilité de valoriser la qualité environnementale et/ou sociale de leur offre pour exécuter la prestation, et faire davantage l’objet de marchés publics réservés.
Néanmoins, pour toute autre structure, elles peuvent représenter une difficulté supplémentaire. Effectivement, certains secteurs font déjà face à des obligations environnementales sectorielles croissantes auxquelles les entreprises doivent s’adapter. C’est notamment le cas du secteur du BTP, qui a par exemple depuis 2020 une obligation de réemploi ou recyclage ou valorisation de 70 % des matières et déchets produits⁷. Avec l’intégration de nouvelles dispositions sociales et environnementales dans les marchés publics, les entreprises devront à la fois :
• Répondre efficacement à leurs besoins, en lien avec les particularités de leur secteur d’activité et de leur territoire (circuits courts permettant un approvisionnement plus régulier/sécurisé, des compétences adaptées…) ;
• Et être un levier d’attractivité tant vis-à-vis des clients (pour obtenir des marchés qui incluent des clauses sociales et environnementales et/ou en tant que marqueur concurrentiel) que des collaborateurs (marque employeur).
La mobilisation du programme national FSE+ 2021-2027 pour favoriser les achats responsables
Le programme national FSE+ « Emploi, Inclusion, Jeunesse et Compétences » 2021-2027 prévoit le soutien d’actions visant à favoriser la mobilisation des employeurs et des entreprises dans les parcours d’insertion par la promotion et le développement des clauses sociales dans les marchés publics, au titre de la priorité 1 (objectif spécifique H). Le financement FSE+ se concentre sur les objectifs suivants :
Permettre la promotion de l’inscription des clauses sociales dans les marchés publics afin de développer l’offre d’insertion et de qualification
Accompagner les entreprises adjudicataires dans la mise en œuvre de leur obligation d’exécution d’une clause sociale
Assurer un suivi quantitatif et qualitatif afin de veiller au bon déroulement de l’exécution des engagements d’insertion
Sur la quasi-totalité du territoire national, cet objectif spécifique sera mis en œuvre via des subventions globales au profit d’organismes intermédiaires (dont les conseils départementaux et les PLIE).
Regard sur d’autres pratiques au sein de l’Union européenne
Ville de Vienne, Autriche – Promotion de l’égalité femmes-hommes par le biais des marchés publics
La Ville de Vienne est engagée depuis plus de 25 ans dans le soutien et la promotion des femmes afin de lutter contre les inégalités. Le volume financier des marchés publics de la ville étant important, la ville a déployé une approche intégrée de l’égalité et la promotion des femmes dans les marchés publics, garantissant alors une contribution des dépenses publiques à l’égalité des femmes et des hommes dans les entreprises privées.
Concrètement, les services de la Ville de Vienne intègrent la promotion des femmes et les aspects liés au genre dans l’évaluation des besoins, la planification des achats et la formulation des critères d’attribution (par exemple, la preuve que les personnes chargées de l’exécution du marché ont reçu une formation dédiée à l’intégration de la dimension de genre et la promotion des femmes.)
De plus, les soumissionnaires s’engagent à mettre en œuvre des mesures prédéfinies par la ville de Vienne (exemple : conciliation vie professionnelle-vie privée, mesures structurelles comme la lutte contre le harcèlement sexuel, la formation continue en matière d’égalité). A mi-parcours de la période de réalisation du marché, le titulaire du marché présente des preuves écrites de leur mise en œuvre. En cas de non-réalisation de ces mesures à la date de fin de réalisation, une pénalité s’applique, pouvant aller jusqu’à 1% du montant du contrat (dans la limite de 1,5 million d’euros).
Service public fédéral de planification de l’intégration sociale, de la lutte contre la pauvreté, de l’économie sociale et de la politique fédérale des villes (SPP SI), Belgique – Marchés réservés et objectifs multiples en matière de durabilité
Le SPP Si est une agence publique fédérale, en charge de l’aide aux plus démunis, en fournissant une assistance alimentaire aux personnes dans le besoin. Elle est autorité de gestion du programme FEAD aide alimentaire. Dans le cadre d’achat de denrées alimentaires et de leur distribution, le SPP SI a fixé plusieurs objectifs : produits sains et nutritifs, prévention du gaspillage alimentaire en exigent l’utilisation des surplus de légumes invendus et insertion professionnelle des travailleurs défavorisés en réservant les marchés à des entreprises sociales d’insertion.