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  • 30.11.2022

Le FSE+ au service d’une croissance toujours plus inclusive des régions ultra-périphériques

La France compte six régions ultra-périphériques (RUP)¹ avec chacune leurs spécificités qu’elles soient géographiques, démographiques, économiques ou encore sociales. 

Ces six territoires font tous face à des freins économiques et sociaux liés en partie à leur éloignement géographique du continent européen et/ou qui ont été accrus par les différentes crises récentes (phénomènes climatiques, crises sociales, crise sanitaire). Individuellement ou de façon combinée, ces obstacles pèsent sur le développement des économies locales et ont un impact sur les populations. C’est pourquoi la Commission européenne souhaite poursuivre son accompagnement des régions ultra-périphériques afin de réduire les écarts avec les autres régions européennes, mais aussi pour renforcer l’intégration des RUP dans leur environnement direct. Le FSE+ 2021-2027 dont la gestion est déléguée pour partie à l’Etat et pour partie aux Conseils régionaux et collectivités uniques (Guyane et Martinique), devra constituer un levier important en complément des autres fonds européens.

Le FSE+ dans les RUP s’appuie aujourd’hui sur plusieurs programmes et plusieurs autorités de gestion :

RUP

 

L’ensemble des crédits du programme national FSE+ « Emploi, Inclusion, Jeunesse & Compétences » gérés par les services de l’Etat sont mis en œuvre au sein un programme national unique intégrant les RUP. Le pilotage national du programme et la coordination renforcée entre la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la Direction générale de la cohésion sociale et la direction générale des Outre-mer visent à renforcer l’effet levier du FSE+ dans les RUP, en ayant une approche à la fois plus intégrée entre les domaines de l’emploi, de la formation et des compétences, de la mobilité et de la lutte contre la pauvreté, mais aussi plus harmonisée à l’échelle nationale pour les projets portés par des réseaux nationaux (L’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité, le Service Militaire Adapté, Pôle emploi notamment).


Le pilotage local reste primordial pour la mise en œuvre du programme national et la gestion des crédits délégués. Les appels à projet sont territorialisés (permettant ainsi de viser les défis spécifiques des territoires ultramarins) et mis en œuvre par les services de l’Etat en région et peuvent ainsi répondre aux défis de chacune des RUP.

Les régions ultra-périphériques françaises : des défis communs à adapter aux spécificités propres à chaque territoire


Si les RUP sont confrontées à des difficultés structurelles et conjoncturelles différentes et souvent plus importantes que dans les territoires métropolitains, elles ont toutes des atouts à mettre au service de leur développement économique et social. Certains secteurs économiques tels que le tourisme, l’économie bleue, les énergies renouvelables, l’aérospatial, l’agro-alimentaire, le numérique ou encore l’économie sociale et solidaire se sont développés ces dernières années, notamment grâce aux fonds FEDER et FEADER, et mobilisent les ressources et savoir-faire de ces six territoires français. Hormis pour Mayotte où le développement est plus récent, les cinq autres territoires ont aussi assisté au développement de leur économie tertiaire.

Pour poursuivre ou consolider le développement économique des RUP (tout en diminuant la dépendance à l’emploi public) et accroître ses effets sur les populations, les enjeux en matière d’accès à l’emploi, d’élévation des niveaux de qualification, de lutte contre le décrochage scolaire et universitaire ou de mobilité sont plus que jamais au cœur des problématiques ultra-marines et le FSE+ pourra constituer un levier important. En effet, si les politiques mises en place pour combattre le chômage et favoriser un taux d’emploi plus élevé ont eu un effet notable², le taux de chômage dans les RUP reste élevé (12% en Martinique, 16% en Guyane, 18% en Guadeloupe, 19% à La Réunion³ et en particulier à Mayotte où en 2021 il était de 30%). Les femmes et les jeunes sont particulièrement touchés. 

Dans ce contexte, les enjeux des années à venir s’articulent autour de cinq grandes thématiques : 

enjeux


 
1. Une jeunesse dynamique mais qui, pour partie, a besoin d’un fort accompagnement 


La jeunesse des territoires ultra-marins est un marqueur fort, générant un dynamisme notable. A Mayotte, environ la moitié de la population a moins de 18 ans tandis qu’en Guyane, environ la moitié a moins de 25 ans, faisant de ces deux départements les « plus jeunes de France ». A l’inverse, la Martinique et la Guadeloupe sont confrontées à une évolution de leur pyramide des âges et à un vieillissement progressif de la population. 


Les territoires ultra-marins sont confrontés à plusieurs phénomènes concomitants : 
• Le taux de chômage des jeunes est très élevé (entre 28% et 44% selon les territoires), en lien notamment avec le manque de qualification, la difficile maîtrise du socle de compétences, une part importante de personnes en situation d’illettrisme ;
• De nombreux jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme tandis que d’autres rencontrent des difficultés dans la conduite de leurs études supérieures ;
• Les jeunes sont amenés à quitter leur territoire pour suivre des études ou trouver un premier emploi et ne reviennent pas nécessairement dans leur territoire d’origine une fois formés.


D’autres freins à l’emploi sont différemment marqués selon les RUP : mobilité, difficultés liées à des grossesses précoces, au logement, à la garde d’enfants, etc. 
 

La lutte contre le décrochage scolaire et universitaire, l’accès à la formation et à la qualification, la lutte contre la pauvreté, l’attractivité des territoires et l’emploi de jeunes (avec notamment la question de l’entreprenariat) sont donc des sujets majeurs pour chacune des 6 RUP françaises. 

Les différents programmes FSE+ soutiennent les jeunes sous les différents angles qui étaient déjà couverts par le FSE (lutte contre le décrochage, emploi, insertion socio-professionnelle, formation) mais aussi de nouvelles approches comme la santé.
En parallèle, le ministère des Outre-mer a lancé début 2022 un appel à projets dédié à la jeunesse. 31 projets ont été retenus autour de trois axes : les outils en faveur de leur insertion sociale ; leur insertion économique ; l’accompagnement des jeunes ultramarins domiciliés dans l’Hexagone en vue de favoriser, pour ceux qui le souhaitent, le retour vers leur territoire d’origine.

2. L’accès à la formation

Des efforts ont été produits ces dernières années pour mieux ajuster l’appareil éducatif aux réalités démographiques des territoires. Les situations restent cependant contrastées tant sur le plan démographique que sur celui des niveaux d’équipements réellement disponibles. De même, les offres de formation locales – notamment en matière de formation supérieure et de formation professionnelle – se sont étoffées, permettant à une partie de la population de développer ses compétences sur le territoire. Cependant, compte tenu de la taille des territoires, les infrastructures et offres ne sont pas toutes disponibles sur place. De nombreuses coopérations – avec la métropole mais aussi dans les environnements proches (entre territoires ultra-marins ou avec d’autres pays voisins) – sont mises en place pour favoriser le développement des compétences des ultra-marins.

L’accroissement de la place du numérique dans les formations peut aussi être un atout pour les RUP, permettant ainsi d’accéder plus facilement à certaines formations (notamment pour la formation continue), avec toutefois la difficulté du décalage horaire.

L’accès à des formations de qualité – en lien avec les besoins des territoires notamment, la couverture numérique des territoires mais aussi la maitrise des savoirs numériques par le plus grand nombre sont des enjeux majeurs dans les Outre-mer.

Les différents fonds européens (FSE mais aussi FEDER et programmes Interreg) ont contribué chacun à leur niveau à l’effort tant d’accès à la formation que d’élévation du niveau de qualification et au développement des compétences, et ce quel que soit le statut des personnes (apprentis, salariés, demandeurs d’emploi…). Les formations des demandeurs d’emploi continueront d’être soutenues dans les programmes régionaux tandis que les formations des salariés seront soutenues au titre du programme national. 


3. La mobilité


La mobilité est un enjeu majeur pour chacune des 6 RUP, de façon : 
• Extra-territoriale pour favoriser l’accès à l’emploi et l’accès à la formation tout au long de la vie 
Chaque année, de nombreux habitants des RUP quittent leur territoire, principalement pour la métropole mais également pour des pays voisins, que ce soit pour poursuivre leurs études ou pour trouver un emploi. La question de la mobilité est double : permettre aux populations de pouvoir bouger facilement tout en permettant / incitant les personnes parties ailleurs à revenir sur leur territoire.

LADOM (L’Agence De l’Outre-mer pour la Mobilité) est un établissement public administratif chargé d’accompagner la mobilité des résidents des Outre-mer au service du développement économique, social et culturel de leur territoire. Comme en 2014-2020, LADOM bénéficiera du soutien du FSE+ dans le cadre de la programmation 2021-2027 au titre de ses actions de soutien à la mobilité vers la métropole. 

• Infra-territoriale pour permettre à tout un chacun d’accéder aux services publics, à l’éducation et à la formation, à la santé ou encore à l’emploi. 

La question de la mobilité est également liée à l’accessibilité et à une meilleure maitrise du numérique (formations au socle de compétences, lutte contre l’illectronisme, outillage des personnes et des acteurs locaux…) qui pourraient faciliter l’accès à certains services (dont la formation et certains outils d’insertion professionnelle) et un meilleur accès à l’emploi.

 

4. La dynamique de création d’activité, notamment dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, et le développement de filières à haut potentiel de développement


La création d’activité est très dynamique dans les Outre-mer. En 2021, alors que partout en France, les créations d’entreprises ont augmenté de 17% par rapport à 2020, cette croissance est supérieure dans chacune des RUP : +19% en Guadeloupe, +27% à La Réunion, +32% en Martinique, +33% à Mayotte et +49% en Guyane⁴. Les simplifications administratives des dernières années, la mise en place d’aides (notamment pour les jeunes créateurs) mais aussi l’esprit d’entreprendre dans les RUP encouragent la création d’activité dans de nombreux secteurs.

Zoom sur l’économie sociale et solidaire dans les territoires ultra-marins…

Si chaque territoire ultra-marin voit différemment se développer l’économie sociale et solidaire, tous font l’objet d’une réelle dynamique en la matière. Les 47 000 emplois de l’ESS en 2018 représentaient 10% de l’emploi dans les 4 DROM (hors Mayotte)⁵. 

L’ESS, avant même sa valorisation dans la loi éponyme du 31 juillet 2014, apparait comme naturelle dans ces territoires où l’économie de proximité a toujours été un marqueur fort. Elle s’appuie notamment sur un tissu associatif dense et actif, porté par un renouvellement de la gouvernance locale et l’implication des plus jeunes et sur le déploiement du réseau des CRESS dans chacun des territoires.

… et sur le rôle du FSE dans le soutien à l’ESS à Mayotte

À Mayotte, plus de 2 500 entreprises relèvent de l’ESS dont environ 300 établissements employeurs. La chambre régionale de l’ESS (CRESS) a été créée en 2016 et a pour mission de promouvoir ce modèle localement et d’accompagner les acteurs du territoire. Elle est également très investie dans le réseau inter-RUP avec la création d’ESS France Outre-mer. 
La structuration du secteur de l’ESS à Mayotte doit beaucoup au Fonds social européen. Le projet ESSOR, financé par le FSE en 2018, était en quelque sorte « l’incubateur des activités actuelles de la CRESS » : observatoire de l’ESS à Mayotte, ingénierie d’accompagnement des porteurs de projet tant au moment de la création d’activité que pour la consolidation et la durabilité des projets, promotion, etc. Le FSE a été une vraie impulsion ! Deux autres dispositifs majeurs ont été financés par la suite : 
• Achats socialement responsables (2019-2021) qui s’appuie sur le gros volume de commandes publiques (notamment dans le domaine du BTP) à Mayotte pour promouvoir les clauses sociales comme outil d’insertion professionnelle et de développement local et pour accompagner tant les collectivités que les entreprises pour faire de cet outil un véritable levier territorial. Ce projet a fait l’objet d’une publication de la Commission européenne comme projet exemplaire à impact social ;
• Fanya Lab (2019-2022) qui vise à renforcer la capacité d’entreprendre, à faire émerger des initiatives ESS et d’innovation sociale et à consolider les structures existantes sur le territoire : sensibilisation à l’entrepreneuriat social, identification des activités informelles relevant de l’ESS, incubation des projets, espace de coworking, activités « hors les murs », etc.

ESS

 

L'ESS à Mayotte

2 836 emplois
16% de l'emploi privé
60% de femmes

5. La lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

La part de la population vivant dans une grande pauvreté⁶ est beaucoup plus élevée et dans des situations de plus grande précarité dans les Outre-mer qu’en métropole. En effet, une étude récente de l’INSEE (juillet 2022) montre que ce risque est de 5 à 10 fois plus grand dans les RUP que pour le reste de la France, avec des niveaux de revenus encore plus bas que ceux observés en métropole. 
Les personnes les plus touchées sont à la fois les femmes (particulièrement celles en charge de familles monoparentales), les demandeurs d’emploi mais aussi les retraités. Le faible dynamisme des marchés du travail locaux accentue la grande pauvreté pour une partie de la population qui a du mal à trouver un emploi ou a un emploi faiblement rémunérateur qui ne lui permet pas de sortir de cette situation. Au total, 18% de la population française (hors Mayotte) en situation de grande pauvreté vivant en logement ordinaire se trouve en Guadeloupe, Martinique, Guyane ou à La Réunion (alors que ces territoires rassemblent seulement 3 % de la population). Mayotte est quant à lui le département le plus pauvre de France avec 77% de la population vivant sous le seuil de pauvreté (source : INSEE 2020).

La lutte contre la pauvreté, et notamment la lutte contre la pauvreté infantile, et les actions en faveur d’une inclusion sociale dès le plus jeune âge sont un des enjeux majeurs dans les RUP. 

En 2018, l’Etat français a défini une Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté organisée autour de trois grands objectifs : éviter la reproduction sociale de la pauvreté ; permettre aux gens de sortir de la pauvreté par l’emploi et ne laisser personne en situation de grande pauvreté. Assortie de 35 mesures organisées en cinq grandes thématiques (petite enfance et éducation, santé, accompagnement formation emploi, logement, droits sociaux), celles-ci sont aujourd’hui inégalement mises en œuvre. Les opérations financées par le FSE+ devront contribuer à cette stratégie à travers un accompagnement socio-professionnel ou exclusivement social des personnes les plus vulnérables.

La priorité 5 « Aide alimentaire et matérielle aux plus démunis » du programme national FSE+ « Emploi – Inclusion - Jeunesse - Compétences » vise à soutenir des opérations d’aide matérielle aux personnes les plus démunies. Dans les RUP, pourront également être financées des initiatives locales d’aide alimentaire (hors marchés nationaux d’achat de denrées) en complément de ce qui sera financé par le programme national FSE+ « Soutien européen à l’aide alimentaire » géré par le ministère des Solidarités et de la Santé. Les opérations de coupons alimentaires sont possibles, sauf à Mayotte⁷.

Enfin, des moyens supplémentaires (plus de 106,7 millions d’euros au total pour les six RUP françaises) sont dédiés aux RUP. Intitulée « Répondre aux défis spécifiques des régions ultra-périphériques », la priorité 7 du programme national FSE+ a été définie pour compenser les surcoûts liés à l’éloignement géographique des RUP vis-à-vis du marché européen et contribuer à la réduction des contraintes permanentes auxquelles ces régions sont confrontées. Elle comprend trois volets :

 
1.    Un premier visant à permettre l’accompagnement renforcé vers l’emploi des personnes éloignées de l’emploi pour tous les RUP et des actions complémentaires pour Mayotte et Saint-Martin en matière de soutien à la création d’entreprise et au développement de l’ESS ;


2.    Un deuxième visant à soutenir la mobilité des jeunes dans un cadre européen et international mais aussi la mobilité des formateurs se rendant dans les RUP ;


3.    Un dernier volet visant à améliorer l’égalité d’accès en temps utile à des services durables et de qualité, notamment à des services promouvant l’accès au logement et à des soins centrés sur la personne, y compris aux soins de santé. Ce volet sera mobilisé à Mayotte pour accroitre l’offre de soins paramédicaux via la formation des professionnels de santé.

 

¹ Le statut de région ultrapériphérique (RUP), introduit en 1992 par le traité de Maastricht puis renforcé lors du traité de Lisbonne, s’applique à neuf territoires appartenant à trois Etats membres de l’Union européenne : l’Espagne, la France et le Portugal. La France compte à elle seule six RUP avec la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin.
² Baisse de 5 points du taux de chômage en 6 ans
³ Sources : Insee au 1er trimestre 2022
⁴ Source : Insee
⁵ Source : ESS France Outre-mer – Panorama 2018
⁶ La grande pauvreté est définie par le fait d’avoir un niveau de vie inférieur à 50% du niveau de vie médian de la population française et d’être sujet à au moins 7 privations dans la vie quotidienne sur une liste de 13.
⁷ Pour Mayotte, les opérations seront portées par le programme FSE+ du ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées