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  • 26.06.2023

Le FSE+ au service du vieillissement actif et en bonne santé

En 2022, la France comptait environ 8,6 millions de personnes âgées de 55 à 64 ans, soit 300 000 de plus qu’il y a dix ans. Ils représentent 12,7% de la population française, part stable depuis 2013[1]. La place des seniors dans l’emploi mais aussi dans les dispositifs d’accompagnement à la création d’entreprises, de formation professionnelle ou encore d’insertion pose la question de l’accompagnement de ces publics vers et dans l’emploi, et ce, dans les meilleures conditions possibles. Le Fonds social européen Plus (FSE+) est un des leviers pour soutenir des projets en la matière.

Une préoccupation prise en compte dans la stratégie européenne depuis plusieurs décennies

L’Europe prête une attention spécifique aux seniors au regard des enjeux d’insertion professionnelle et d’inclusion sociale attachés à ce public. 

L’emploi et la politique sociale relèvent de la compétence des Etats membres, toutefois l’Union Européenne s’est dotée d’un cadre commun de coordination à travers notamment le Socle européen des droits sociaux et son plan d’action, qui compte parmi ses 3 objectifs principaux, un taux d’emploi d’au moins 78% de la population européenne âgée de 20 à 64 ans d’ici 2030. Le FSE+ est un des outils financiers mobilisés pour réaliser ce plan d’action.

Extrait du Livre Vert sur le vieillissement publié par la Commission européenne en 2021

« Une stratégie de vieillissement actif et en bonne santé vise à promouvoir des modes de vie sains tout au long de notre vie et englobe nos habitudes de consommation et de nutrition ainsi que nos niveaux d’activité physique et sociale. […] Le vieillissement actif et en bonne santé a une incidence positive sur le marché du travail, les taux d’emploi et nos systèmes de protection sociale, et donc sur la croissance et la productivité de l’économie. Le vieillissement actif et en bonne santé est un choix et une responsabilité personnels, mais il est fortement tributaire de l’environnement dans lequel les gens vivent, travaillent et socialisent. Les politiques publiques peuvent jouer un rôle de soutien important. Des mesures proactives peuvent contribuer à prévenir et à détecter les maladies et à protéger les personnes contre les effets d’une mauvaise santé. Elles peuvent contribuer à faire en sorte que le vieillissement actif et en bonne santé devienne un choix plus facile, y compris pour les personnes en situation de vulnérabilité. […] » 

En France, des seniors de plus en plus en activité et en emploi, mais étant confrontés à davantage de précarité pour les plus défavorisés

Le taux d’emploi des seniors en France en 2021(56%) demeure inférieur à la moyenne européenne (60,5%).

graphique 5

Le recours au temps partiel augmente avec l’âge. Il repose en grande partie sur des personnes ayant déjà activé leurs droits à la retraite et cumulant avec un emploi à temps partiel. La DARES[2]  indique également que les femmes seniors en emploi sont davantage à temps partiel (32% d'entre elles contre 11% des hommes) et en situation de sous-emploi (7,8% contre 4,3%). Les seniors sont moins au chômage que l’ensemble des actifs (6,3% contre 7,9% en 20212), mais cet écart tend à se réduire au fil des années. Les hommes seniors sont davantage touchés par le chômage que les femmes tandis que ces dernières sont plus nombreuses à être inactives.


Néanmoins, lorsque les 50 ans et plus sont au chômage, leur durée d’inscription à Pôle Emploi est beaucoup plus longue que les demandeurs d’emploi de moins de 50 ans [3] : 486 jours en moyenne, contre 323 jours en moyenne tous publics confondus). Les femmes de 50 ans et plus, demandeuses d’emploi, ont une durée moyenne de chômage plus élevée que les hommes (507 jours contre 462 jours3).

La part de départs pour chômage des 59 ans et plus est par ailleurs surreprésentée dans certaines professions. Il en est de même pour les motifs de départ liés à des raisons de santé[4].

Différentes études[5] montrent également que les problématiques des publics seniors ne sont pas les mêmes que celles des publics plus jeunes pour retrouver un emploi avec notamment la persistance de représentations stéréotypées de la part des employeurs et parfois des publics eux-mêmes (faible adaptation aux nouvelles technologies, santé plus fragile, coût pour l’entreprise, trop de compétences par rapport au poste, difficultés d’intégration dans des équipes plus jeunes, investissement sur les personnes avec une projection temporelle réduite liée à l’échéance de la retraite, etc.).

 

Afin de favoriser l’embauche et le maintien en emploi des seniors, plusieurs dispositifs existent en France

-    L’aide de l’État pour l’embauche d’un senior (45 ans et plus) en contrat de professionnalisation, qui permet au salarié senior d’acquérir une nouvelle qualification professionnelle par le biais des actions de formation suivies dans le cadre du contrat et d’engager une reconversion professionnelle ; 
-    Le CDD senior (18 mois maximum, renouvelable une fois) pour les salariés de plus de 57 ans inscrits comme demandeur d’emploi depuis plus de trois mois ou bénéficiant d’un contrat de sécurisation professionnelle après un licenciement économique, visant à permettre au salarié d’acquérir, par son activité, des droits supplémentaires en vue de la liquidation de sa retraite à taux plein ;
-    Le CDI inclusion qui consiste à maintenir en emploi durable des publics de plus de 57 ans sans solution, en permettant aux structures d’insertion par l’activité économique de les embaucher en contrat à durée indéterminée ;
-    Les parcours emplois compétences (CUI-CAE et CUI-CIE), sans être des dispositifs réservés aux seniors, peuvent être proposés aux demandeurs d’emploi seniors rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières

Le vieillissement actif en Europe6


Le taux de personnes ayant 55 ans ou plus sur le total de personnes en emploi dans l’UE a augmenté de 12 à 20% entre 2004 et 2019. En 2019, le taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans était supérieur à 70% en Suède, en Allemagne, en Estonie et au Danemark, tandis dans six États membres de l'UE (la Pologne, la Slovénie, la Roumanie, la Croatie, la Grèce et le Luxembourg), le taux d’emploi des seniors était inférieur à 50%. 

Bien que faible, une part croissante des 65-74 ans continue à travailler. Ainsi, En 2019, plus d'un quart (27,5%) de cette tranche d'âge en Estonie avait un emploi, et au moins 17% en Lettonie, en Irlande, en Suède, en Lituanie et au Portugal était en emploi.

 

Une problématique spécifique liée à la santé au travail, à la lutte contre la désinsertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des publics seniors


La vie professionnelle s'allonge et des conditions de travail connues pour être pénalisantes pour les salariés vieillissants (travail en horaires atypiques, changements fréquents, ports de charges, etc.) persistent. Les difficultés du maintien dans l’emploi pour certains seniors peuvent alors se traduire par un taux élevé d’accidentologie et de sinistralité, des restrictions d’aptitudes, une augmentation des inaptitudes, un absentéisme et un turn-over importants ou encore une perte de motivation. Le rapport Bellon, Meriaux, Soussan (janvier 2020) sur le maintien en emploi des seniors7 part du principe qu’il ne peut y avoir allongement de la vie active que si la soutenabilité du travail est assurée, d’où l’importance pour les auteurs de travailler la prévention des risques professionnels dans tous les secteurs d’activité.


Des problématiques qui ne sont pas propres à la France


Le vieillissement actif et en bonne santé est un enjeu transversal aux Etats membres européens. Certains d’entre eux ont déjà mis en place des dispositifs ou des programmes d’actions pour répondre aux différentes problématiques soulevées.

Par exemple, dans le cadre de son programme de travail sur le vieillissement actif8, lancé il y a 20 ans, l’Autriche a travaillé sur plusieurs aspects liés au vieillissement : l’adaptation des lieux de travail, la participation à la vie de la société, la santé et les relations intergénérationnelles. Plusieurs initiatives ont depuis été mises en place pour : 
-    Sensibiliser et accroître l'emploi des seniors à travers le lancement de l'Initiative Emploi 50+ par le Service Public de l'Emploi, tant en faveur des employeurs (accompagnement financier, prévention des préjugés, détection des potentiels…) que des travailleurs de 50 ans et plus qui souhaitent changer de profession, principalement pour des raisons de santé ;
-    Impliquer davantage les partenaires sociaux ;
-    Guider les entreprises pour s’adapter au vieillissement des salariés et les aider à créer des conditions de travail adaptées aux seniors ;
-    Lutter contre la discrimination fondée sur l'âge au travail. 

En Suède, un ensemble de mesures a été mis en place pour aider les chômeurs à retrouver un nouvel emploi et prévenir le chômage de longue durée des seniors9, en s’appuyant notamment sur leurs compétences et leurs expériences professionnelles passées. Ainsi, en 2020, le gouvernement a dédié un budget de 1,3 milliard de couronnes suédoises (l’équivalent de plus 100 millions d’€ pour accompagner les travailleurs âgés, améliorer leur intégration, poursuivre l’expansion de l’initiative d’éducation des adultes (en pouvant demander des prêts étudiants jusqu’à 57 ans par exemple) et une politique économique active. 

Au Danemark10, au-delà de l’inscription dans la loi de toute discrimination fondée sur l'âge sur le marché du travail, des mesures ont été introduites pour aider l’embauche de salariés seniors et aider les chômeurs à revenir sur le marché du travail : développement ou renforcement des compétences par de la formation mais également des périodes d’immersion (stages), mise en place d’interventions spécifiques auprès des allocataires de l'aide sociale afin de faciliter leur retour sur le marché du travail, etc. 


Une attention spécifique du programme national FSE+ 2021-2027 à la question du vieillissement actif et en bonne santé


De façon à mieux répondre aux problématiques rencontrées par les publics seniors, le programme national FSE+ « Emploi, Inclusion, Jeunesse et Compétences » 2021-2027 prévoit le soutien à des actions visant spécifiquement le public senior (dans le cadre de la priorité 4) mais aussi à des actions plus larges (notamment dans le cadre de la priorité 1) : 

La priorité n°4 – Promouvoir un marché du travail créateur d’emploi, accessible à tous et un environnement de travail inclusif et sain – vise le soutien d’actions liées à la qualité de vie et aux conditions de travail, à la lutte contre les discriminations ou à la santé au travail qui peuvent concourir à améliorer la place des seniors dans les entreprises et leur qualité de vie professionnelle. Le renforcement de la capacité des partenaires sociaux et des parties prenantes à mener un dialogue social constructif et efficace sur l’accompagnement des seniors est également possible via cette priorité.

La priorité n°1 du Programme national FSE+ a pour finalité de favoriser l’insertion professionnelle et l’inclusion sociale des personnes les plus éloignées du marché du travail et des plus vulnérables/ou des exclus. Dès lors que certains seniors font bien partie de ces catégories, ils peuvent bénéficier des actions prévues au titre de cette priorité. 
Ainsi, le FSE+ peut soutenir des actions visant à promouvoir l’égalité des chances pour que tous les groupes sociaux – dont les seniors – puissent bénéficier des mêmes opportunités d’insertion sociale et professionnelle. L’objectif spécifique H de la priorité 1 permet en effet de combiner des actions d’insertion professionnelle avec des actions de levée de freins sociaux pour garantir un parcours d’accompagnement prenant en compte tous les aspects de la vie de la personne et sans rupture.
En parallèle, l’objectif spécifique L de la priorité 1 se concentre sur l’accompagnement social des plus vulnérables sans le rattacher à une finalité d’accès ou retour à l’emploi. Cet objectif spécifique doit permettre notamment de toucher les personnes en situation de grande exclusion de la société, en vue de leur remobilisation et intégration, en cohérence avec le futur pacte des solidarités
 

Tour d’horizon de quelques projets sur le vieillissement actif financés par les fonds européens

Les 54 ans et plus représentent 7,6% des participants du programme national FSE 2014-2020[11]  et sont principalement accompagnés au titre de l’inclusion active. Ce sont le plus souvent des personnes de faible niveau de qualification et des demandeurs d’emplois. Ils ont surtout été touchés dans le cadre de projets qui ne visaient pas uniquement le public senior. Certaines opérations étaient néanmoins dédiées à ce public. C’est le cas par exemple de l’Anact et son réseau qui, en réponse à un appel à projets de la DGEFP, ont proposé un projet « PACT seniors » visant à répondre aux objectifs suivants :

Comprendre les leviers et les freins spécifiques au maintien dans l'emploi des seniors en prenant en compte tous les déterminants des conditions de travail ;
Recenser les pratiques et expérimenter de nouvelles formes d'actions territoriales et en entreprises ;
Outiller différentes catégories d'acteurs : branches professionnelles et commissions paritaires interprofessionnelles, comités de pilotage territoriaux, acteurs d'entreprises, formateurs ou consultants ;
Capitaliser, ajuster et déployer les ingénieries testées ;
Produire des recommandations sur les meilleures ingénieries d'action publique pour maximiser les impacts.

L’ANACT a également lancé un appel à projets autour de la prévention de la désinsertion professionnelle des seniors permettant ainsi de traiter spécifiquement une des problématiques soulignées pour les 54 ans et plus.

En Belgique (Flandres), le FSE a permis de financer le projet « Road 67 »[12] afin de promouvoir la formation des travailleurs âgés. Porté par Tredhuis, « Road 67 » avait pour but de réintégrer les demandeurs d'emploi âgés de 50 ans et plus sur le marché du travail. Le projet a développé de nouveaux outils et méthodologies. Il a été mené en étroite collaboration avec les employeurs pour identifier les emplois en déficit de candidats et les réorganiser par le biais du job-carving – méthode qui consiste à faire correspondre l’offre et la demande en se basant principalement sur les compétences plutôt que sur une fiche de poste standardisée. L’objectif était de pouvoir faciliter ces prises de poste par des demandeurs d'emploi seniors, après avoir suivi une formation.

 

D’autres fonds et programmes européens (FEDER, LEADER, Horizon 2020 ou encore Erasmus+) ont également accompagné des projets sur le vieillissement actif.

C’est le cas du projet SILVER[13] soutenu dans le cadre du programme ERASMUS+ (2020-2023) et impliquant des partenaires venant du Royaume-Uni, de Roumanie, Grèce, Danemark, Portugal, Slovénie et France. L’objectif de proposer des outils et des ressources didactiques pour promouvoir l’adaptation des lieux de travail aux besoins des seniors, dans tous les secteurs d’activité. Le projet doit ainsi permettre de faciliter les transitions professionnelles en fin de carrière par l’adaptation des lieux de travail et la sensibilisation des travailleurs de plus de 55 ans, des managers et des RH. La finalité du projet vise ainsi à permettre la poursuite de la carrière dans un environnement adapté, de préparer activement le départ à la retraite ou le démarrage d’une nouvelle carrière (bénévolat, consultance).

C’est le cas également de The Ageing@Work Project[14] soutenu au titre du programme Horizon 2020 sur la période 2018-2020. Il impliquait des partenaires de France, Espagne, Grèce, Pologne, Allemagne et Belgique. Les partenaires sont partis du besoin d'aider les travailleurs vieillissants des secteurs de l’industrie à maintenir leur productivité et leur capacité de travail, tout en trouvant un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Après avoir identifié les changements dans les capacités humaines qui apparaissent avec l'âge et affectent généralement le travail des salariés, Ageing@Work a suivi une approche interdisciplinaire dans le développement de nouvelles solutions numériques pour adapter les environnements de travail.

Le développement de solutions numériques a également été au cœur du projet WorkingAge (Horizon 2020) [15] avec des partenaires grecs et espagnols. L’outil développé prend en compte à la fois l’environnement de travail du bureau mais aussi le télétravail et les autres lieux de travail. Il fournit une assistance aux travailleurs dans leur routine quotidienne sous forme de recommandations et de rappels. La surveillance du comportement, des données de santé et des préférences du travailleur grâce à la collecte continue de données fournit des informations pour interagir avec l'utilisateur. En comprenant les causes du stress à long terme et de la charge de travail des employés et son impact sur les périodes de maladie et de repos, le projet vise à créer un ensemble de règles permettant d'adapter l'évolution du statut des travailleurs âgés de plus de 45 ans à leur emploi/travail, à leur environnement de vie, ainsi que créer un ensemble de conseils et d'alertes qui favoriseront leur autonomie.

 

 


[1] Source : Insee - âge de la population au 1er janvier ; Données provisoires arrêtées à fin novembre 2022.

[2] Source : DARES – Résultats – Les seniors sur le marché du travail en 2021, un taux d’emploi toujours en progression

[3] Source : Pôle Emploi – Statistiques et Indicateurs – La durée de chômage augmente au 3ème trimestre 2022 – Février 2023

[4] Source : France stratégie à partir des enquêtes emploi 2004-2019 (INSEE)

[5] Dont le rapport d’information sénatoriale de septembre 2021 sur l’évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d’une partie des Français, l’article de Pôle Emploi (décembre 2022) sur le recrutement des seniors : des freins persistent ou encore l’étude réalisée par IPSOS et A compétence égale sur les seniors et l’accès à l’emploi (2022)

[6] Source : https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Ageing_Europe_-_looking_at_the_lives_of_older_people_in_the_EU

[7] Source : rapport_emploi_des_seniors_janv2020.pdf (travail-emploi.gouv.fr)

[8] Source : https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2021/662940/IPOL_STU(2021)662940(ANN01)_EN.pdf

[9] Source : https://unece.org/sites/default/files/2021-03/Sweden_CN_EN.pdf

[10] Source : https://unece.org/sites/default/files/2022-01/mipaa20-report-denmark.pdf

[11] Source : évaluation d’impact de l’axe 2 du programme national FSE 2014-2020, Amnyos-Edater, 2019

[12] Source : https://www.road67.be/contact

[13] Source : https://www.afeji.org/projets-europeens-silver/

[14] Source : https://ageingatwork-project.eu/content/ageingatwork-concept-nutshell

[15] Lien : https://www.workingage.eu/project/