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  • 08.12.2022

Le FSE+ au service des enjeux de la politique de santé au travail en France

Les fondements du système français de santé et de sécurité au travail remontent à la fin du 19 ème siècle et n’ont cessé d’être renforcés. Pour autant, certains marqueurs forts de notre époque montrent à quel point employeurs et acteurs publics doivent proposer des solutions de court et long terme :

- Les carrières professionnelles s’allongent et soulignent la question du vieillissement actif et en bonne santé (le taux d’emploi des seniors reste inférieur aux autres catégories d’âge et au-dessous de la moyenne européenne pour les 60 ans et plus, et ce malgré une amélioration des taux d’activité et d’emploi des 55 ans et plus) ;
- De nouveaux risques professionnels apparaissent / sont reconnus avec en premier lieu les risques psychosociaux ;
- Des évolutions du marché du travail fragilisent la santé des travailleurs, avec notamment :
• L’émergence de nouveaux métiers et/ou de nouveaux procédés de production qui font apparaitre de nouveaux risques (risques chimiques, nanomatériaux…) ;
• Des nouvelles organisations du travail (dont le télétravail) qui peuvent multiplier les risques (dont les risques psychosociaux) ;
• L’évolution/le développement de formes d’emploi (l’emploi intérimaire mais aussi le statut d’auto-entrepreneur, le travail indépendant, le travail pour les plates-formes numériques…) qui génèrent des enjeux spécifiques en matière de santé au travail.

En France, le nombre d’accidents du travail reste élevé (environ 540 000 accidents du travail en 2020, soit 17,7% de moins qu’en 2019, baisse liée en partie aux deux confinements successifs 1 ) et le nombre de licenciements pour inaptitude a tendance à s’accroître.

Le Socle européen des droits sociaux dispose que « les travailleurs ont droit à un niveau élevé de protection de leur santé et de leur sécurité au travail ainsi qu’à un environnement de travail adapté à leurs besoins professionnels et leur permettant de prolonger leur participation au marché du travail ».

En tant qu’outil privilégié de la mise en œuvre de ce Socle, le FSE+ vise, en complément des actions déjà engagées nationalement et localement, le soutien d’actions favorisant la santé au travail de tous les actifs.

 

Un encadrement législatif progressif


La première loi relative à la santé au travail (9 avril 1898) a été construite autour de deux principes-clés :
- La responsabilité de l’employeur dans la préservation de la santé des travailleurs ;
- Une logique de réparation des atteintes à la santé causées par l’activité professionnelle.
Ce texte fondateur crée la couverture du risque d’accident du travail et de maladie professionnelle.


Depuis, la politique de santé au travail a connu des évolutions structurantes successives (création de la médecine du travail par exemple) et un renforcement de son système d’acteurs, avec notamment une logique de prévention en amont de la réparation (dimension préventive). Cette approche a notamment été fortement mise en avant à partir des années 2000 avec l’obligation pour les employeurs d’établir une évaluation des risques professionnels dans leur entreprise et d’identifier des actions de maîtrise de ces risques. La réforme de 2016 (Loi Travail) a renforcé une logique individualisée du suivi de l’état de santé des travailleurs par les services de santé au travail (SST), en complément de l’approche préventive collective.

Un effort de structuration et de coordination des acteurs avec une place renforcée des employeurs et une dynamique en faveur de la prévention

En parallèle du déploiement des services de santé au travail :
- Les employeurs ont vu leurs obligations en la matière s’étendre progressivement :
• L’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, et ne doit pas seulement diminuer le risque, mais l’empêcher ;
• Il doit par ailleurs évaluer et maîtriser les risques, outiller cette démarche (à la suite de la mise en place du document unique d’évaluation des risques professionnels -DUERP- en 2001) et définir un plan de réduction dédié.

Nombre d’entre eux dépassent le cadre des obligations réglementaires et s’engagent plus largement dans le cadre de politiques RH dédiées à la préservation de la santé de leurs salariés/agents et à l’amélioration de leurs conditions de travail.

- Le rôle des partenaires sociaux sur les sujets de santé et sécurité au travail s’est renforcé à travers la mise en place des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en 1982 puis des Comités sociaux et économiques (CSE) en 2017 dans toute entreprise de plus de 11 salariés.


L’Accord National Interprofessionnel signé par les partenaires sociaux le 10 décembre 2020 a été transposé dans la loi n°2021-1018 du 2 août 2021, dite loi santé au travail, notamment pour renforcer la prévention. Elle prend en compte l’évolution du cadre stratégique de l’Union européenne pour la santé et la sécurité au travail (publiée le 28 juin 2021 et couvrant la période 2021-2027) autour de quatre principaux axes de réforme :

Contenu renforcé du DUERP, missions étendues des services de santé au travail (SST) à l’évaluation et à la prévention des risques professionnels dans l’entreprise, ainsi qu’à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail.

Renforcement de la partie "Prévention et accompagnement" des services de santé et de prévention au travail, meilleur accès pour les TPE, accès au dossier médical partagé...

Accompagnement des publics vulnérables, lutte contre la désinsertion professionnelle, visite de mi-carrière professionnelle, renforcement du suivi en santé au travail des intérimaires, salariés d’entreprises sous-traitantes ou prestataires comme des travailleurs indépendants et chefs d’entreprise non-salariés.

Elargissement des conditions dans lesquelles le médecin du travail peut déléguer une partie de ses missions à d’autres professionnels de santé du service et renforcement du pilotage national.

Parallèlement, le 4ème Plan national pour la Santé au Travail (PST4) a été adopté en décembre 2021, puis décliné dans chaque région au travers des PRST 4. 

Le PST4, établi entre l’État, l’Assurance Maladie et tous les organismes de prévention ainsi que les partenaires sociaux, constitue la feuille de route pour l’action collective des partenaires intervenant dans le champ de la santé au travail. Il prolonge et renforce les approches promues dans le cadre des plans précédents, tout particulièrement :
- L’outillage et la diffusion d’une culture de prévention des risques professionnels ;
- La promotion du dialogue social comme vecteur de prévention des risques ;
- La promotion de la prévention de la désinsertion professionnelle et du maintien en emploi ;
- L’accompagnement des salariés vulnérables.

Le PST 4 comporte également un axe transversal pour lutter à la fois en nombre et en gravité des accidents du travail notamment pour les publics les plus exposés (jeunes, nouveaux embauchés, travailleurs intérimaires, travailleurs indépendants et détachés) et dans les TPE-PME.

Le soutien du Fonds social européen au cours de la période 2014-2020

Pour répondre aux enjeux de santé au travail, la programmation FSE 2014-2020 a financé certains projets, en France et d’autres Etats membres, qui ont souvent donné lieu à des actions et/ou des études sur les questions de bien-être au travail, de vieillissement actif et en bonne santé pour les publics seniors et d’adaptation des modes de fonctionnement internes aux entreprises : impact du stress, conséquences de la COVID-19, télétravail, etc. Même s’ils n’ont pas constitué un axe prioritaire à proprement parler, ils préfigurent l’orientation prise par le FSE+ 2021-2027 en faveur de l’amélioration des conditions de travail et de l’anticipation des risques pour la santé. 
 

Comprendre l’impact de l’environnement de travail sur la santé mentale : le projet finlandais « Healthier brains make a healthier workforce » - FSE

Ce projet, porté par l’Université des Sciences de Tampere en Finlande vise à comprendre l’impact des conditions modernes de travail (télétravail, sur-sollicitation, stress, angoisse liée au COVID-19) sur le cerveau des employés. Grâce à des connaissances issues des neurosciences, les chercheurs associés au projet ont pu évaluer l’impact neurologique et mental du travail pour certaines professions : les soins infirmiers, l’enseignement et les technologies de l’information. À partir de ces résultats, les chercheurs ont élaboré un « baromètre de santé du cerveau » pour permettre aux employeurs d’évaluer le niveau du bien-être de leurs employés au travail. Des outils ont également été créés pour : 

• Favoriser le dialogue interne et la prise en compte du bien-être au travail ;
• Soutenir l’autonomie des employés dans le cadre professionnel ;
• Mettre en place des procédures et des pratiques favorisant la santé mentale au travail. 

Le projet permet ainsi d’aider les entreprises et les salariés à construire un environnement de travail sain et à les prémunir contre les effets néfastes du stress.

D’autres programmes européens se sont également intéressés à la question de la prévention des maladies professionnelles et des problèmes de santé mentale sur la programmation 2014-2020. C’est le cas du programme Horizon 2020 pour la Recherche et l’Innovation, qui a soutenu des projets de recherche et le développement d’outils pour l’évaluation et la prise en compte des problèmes de santé mentale au travail. 

Le projet H-Work – Horizon 2020 (2020-2022)

Le projet H-WORK vise à concevoir, mettre en œuvre et valider sur le terrain des outils d’évaluation et d’intervention efficaces sur la santé mentale au travail. Les mesures adoptées à l’échelle individuelle et organisationnelle sont évaluées à chaque étape du projet, afin d’améliorer les outils produits à direction des employeurs et des acteurs publics. Le projet part de plusieurs constats : 

• Les employés sont insuffisamment formés sur les questions de santé mentale au travail ; 
• Les entreprises ont peu connaissance des ressources disponibles pour gérer et préserver la santé mentale et le bien-être de leurs employés ; 
• Le cadre législatif n’incite pas les employeurs à prendre en compte ces questions.  
• Le projet a ainsi permis de produire une « plateforme innovante » avec des outils à disposition des employeurs, pour évaluer le niveau de santé mentale et le bien-être des employés. Ces outils permettent aussi d’identifier les points faibles de l’organisation. Cette plateforme fournit également un outil pour assister les employeurs dans le développement d’actions pour promouvoir la santé mentale et améliorer les pratiques de l’organisation. 

À travers la production d’outils et leur utilisation sur le terrain, l’objectif final du projet est de promouvoir la santé mentale et de formuler des recommandations publiques à l’intention des employeurs, des professionnels de la santé au travail et des décideurs politiques. 

Une nouvelle thématique couverte par le programme national FSE+

S’inscrivant dans le plan d’action de l’Union européenne sur le socle européen des droits sociaux et en cohérence avec la stratégie nationale déployée, le programme national FSE+ vise à apporter un soutien concret aux actions liées à la santé au travail. 

Dans la priorité 4 du programme national FSE+, et plus spécifiquement à travers l’objectif spécifique (OS) D « Promouvoir l’adaptation des travailleurs, des entreprises et des entrepreneurs au changement, le vieillissement actif et en bonne santé ainsi qu’un environnement de travail sain et bien adapté qui tient compte des risques pour la santé », il s’agit d’améliorer les conditions de travail de l’ensemble des travailleurs pour leur permettre de travailler en bonne santé tout au long de leur vie professionnelle. Le choix opéré sur cet objectif spécifique permet d’inscrire la santé au travail comme une composante de l’environnement de travail sain et d’élargir les actions soutenues par rapport à la programmation précédente. 

L’intervention du FSE+ a pour objectif de permettre à tous les acteurs publics et privés de répondre efficacement aux enjeux prioritaires en matière de santé au travail tels que :

• L’adaptation face aux changements dans les conditions de travail (utilisation des outils numériques, augmentation du télétravail, etc.) ;

• L’égalité entre les femmes et les hommes dans la protection et la prévention des risques ; 

• La prévention et la lutte contre toute forme de discrimination dans le cadre du travail ;

• L’adaptation des conditions de travail pour les seniors et la prise en compte du vieillissement actif en bonne santé ; 

• L’articulation des temps de vie, en particulier pour les femmes et pour les aidants ; 

… tout en ayant à cœur de s’intéresser également à des domaines nouveaux : 

• L’intégration des effets de la crise sanitaire sur la santé au travail ; 

• Un décloisonnement entre les approches de santé au travail, de santé publique et de santé environnementale ;

• Ou encore la prise en compte des effets du changement climatique sur la santé des travailleurs (hausse des températures sur le lieu de travail, évolution de l’environnement biologique et chimique, différentes formes de pollutions, etc.).

Ainsi, les actions visant spécifiquement à promouvoir la santé au travail sont de deux types : la protection de la santé physique et mentale au travail et la prévention des maladies professionnelles. D’autres actions pourront également être financées :

• Sur un volet « Qualité de vie au travail », notamment dans la dimension de promotion de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) ; Sont éligibles les actions d’accompagnement des employeurs et des partenaires sociaux afin d’identifier les effets négatifs sur la qualité de vie ou la santé au travail des salariés lors des transformations technologiques et organisationnelles des entreprises (par exemple surcharge de travail temporaire, introduction de nouvelles technologies, réorganisation d’activités, modification des missions…) mais aussi l’expérimentation d’outils et méthodes pour les diminuer.

• Sur un volet « Vieillissement actif et en bonne santé » qui prend aussi en compte les salariés en situation de handicap ou atteint de maladies chroniques. La sensibilisation et l’accompagnement des entreprises sur la question de l’emploi des seniors, la prévention des risques professionnels touchant les métiers difficiles et les carrières longues et le maintien dans l'emploi des seniors en valorisant leurs compétences (tutorat, parrainage, etc.) pourront être financées ;

• Sur un volet « Lutte contre les discriminations » dans les entreprises pour pouvoir protéger tous les salariés contre toute forme de discrimination. 

Ainsi, l’intervention du programme national FSE+ 2021-2027 dans le domaine de la santé au travail va bien au-delà de la prise en compte des risques physiques. Il aborde la thématique de façon globale pour créer un environnement de travail sain et adapté à l’ensemble des travailleurs sur le territoire français.