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  • 22.12.2022

La transition écologique, au cœur des enjeux d’adaptation des compétences et d’émergence des nouveaux métiers

56% des ressortissants des 27 États membres de l'Union européenne (UE) estiment que les politiques de lutte contre le changement climatique créeront davantage d'emplois qu'elles n'en détruiront . Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME2, la stratégie bas carbone en France permettrait une création de 540 000 emplois d’ici 2030, qui pourrait même atteindre le million à l’horizon 2050 dans des secteurs tels que l’agriculture, le bâtiment ou encore le transport. Cette croissance liée à la décarbonation de l’économie cache toutefois une destruction d’emplois mais aussi et surtout une transformation de ces derniers requérant une évolution des compétences et le développement de nouvelles formations professionnelles.

La transition écologique : fil vert des politiques européennes 2021-2027

En 2019, la Commission européenne annonçait que la ligne directrice de l’ensemble des politiques de l’UE serait verte. Pour y répondre, elle lance le Pacte vert européen - European Green Deal - dont le but est de :

  • réduire d’au moins 55% les émissions de gaz à effet de serre du continent européen d’ici 2030 ;
  • rendre le continent neutre d’ici à 2050. 

Zoom sur le Pacte vert

Parmi les ambitions clés du Pacte vert figurent :

  • l'investissement dans la recherche et l’innovation, 
  • le développement d’énergies propres, abordables et sûres,
  • ​​​​​​​la mobilisation de l’industrie pour une économie propre et circulaire, 
  • la construction et la rénovation économes en énergie et en ressource, une ambition zéro pollution pour un environnement sans substances toxiques, 
  • la préservation et le rétablissement de la biodiversité, 
  • un système alimentaire juste, sain et respectueux de l’environnement et une accélération de la transition vers une mobilité durable et intelligente.

Pour la période 2021-2027, l’Union européenne a également décidé de consacrer 30% de ses fonds à la lutte contre le changement climatique. Il s’agit de la part du budget européen la plus élevée jamais enregistrée. Ce principe vaut pour les fonds en gestion partagée, tels que le Fonds social européen Plus (FSE+), qui devra également contribuer à favoriser la transition écologique du continent européen. Afin de respecter ces engagements, la mise en œuvre de la transition écologique doit prendre en compte les secteurs « emploi » et « formation » à travers l’anticipation des compétences nécessaires à la transition écologique liées à l’émergence de nouveaux métiers mais aussi la reconversion des personnes travaillant dans des secteurs fortement émetteurs en gaz à effet de serre. 

Le FSE+, comme les autres fonds européens, devra également répondre à certains principes dits horizontaux : égalité femmes-hommes, lutte contre toutes les discriminations et développement durable. En matière d’environnement, ils devront s’assurer que les actions cofinancées ne causeront pas de « préjudice important sur l’environnement » (principe « DNSH » : do no significant harm en anglais).


La transition écologique et le défi de l’adaptation des compétences 

  • Le soutien du FSE à la transition verte
    En matière de formation, le FSE a déjà permis d’apporter des réponses spécifiques à certains publics en matière de transition verte : soutien à la formation des salariés et des personnes en recherche d’emploi ; soutien aux entrepreneurs par un accompagnement personnalisé sur le verdissement de leurs activités ; appui à la création de nouvelles activités vertes et plus durables, dans des secteurs tels que l’économie sociale et solidaire.  

La structuration du réseau associatif e-graine : sensibiliser au développement durable à l’échelle locale

En 2018, le mouvement associatif e-graine a été retenu dans le cadre de l’appel à projet Fonds social européen 2018-2020 « Soutenir le changement d’échelle des entreprises de l’ESS créatrices d’emploi » (lancé par l’Avise dans le cadre de sa mission d’organisme intermédiaire FSE). Cette subvention lui a permis de poursuivre ses actions en matière de développement d’un réseau soutenant les transitions et le développement durable sur les territoires d’Île-de-France, d’Auvergne-Rhône-Alpes, du Grand-Est, de Nouvelle-Aquitaine et d’Occitanie (appel à projets dans le cadre du de l’Axe 3 du PON FSE). L’objectif ? Démultiplier son impact et encourager la création d’emplois porteurs de sens sur les territoires !

Le nouveau Programme national FSE+ « Emploi – Inclusion – Jeunesse – Compétences » (2021-2027) poursuit cet objectif d’accompagnement des salariés, des jeunes et des personnes éloignées de l’emploi en prenant en compte les mutations économiques, notamment liées aux transitions écologiques et numériques. 

En outre, pour répondre aux conséquences sociales et économiques de la transition écologique, l’Union européenne a mis en place un « Mécanisme pour la transition juste » (MTJ). Construit sur trois piliers, il comprend notamment le « Fonds pour la transition juste » (FTJ), qui vise à atténuer l’impact économique et social de la transition vers une économie neutre en carbone dans les territoires les plus émetteurs de CO2 d’origine industrielle.

  • Le Fonds de Transition Juste
    En France, le FTJ comprend un volet dédié à l’emploi et aux compétences, couvrant six régions métropolitaines fortement dépendantes des secteurs industriels cibles (métallurgie, chimie-pétrochimie, production de produits minéraux non métalliques (ciment, verre), énergie). Pour atténuer les conséquences négatives sur l’emploi, le FTJ a pour objectif de financer la reconversion et la formation des salariés, mais aussi l’accompagnement des demandeurs d’emplois touchés par les mutations dues à la décarbonation des territoires industriels français. L’objectif est ainsi d’aider à l’adaptation des compétences des salariés issus de secteurs vulnérables ou affectés par la transition écologique, mais aussi d’orienter les reconversions vers des métiers plus verts. Le programme national pourrait également prévoir des actions d’inclusion active pour les personnes plus éloignées de l’emploi (levée des freins à l’emploi : mobilité, logement, accès aux soins…) dans les territoires les plus vulnérables face à la transition écologique. 

Zoom sur les territoires ciblés par le Fonds pour la transition juste en France

La Commission européenne a demandé que le périmètre territorial d’éligibilité du FTJ corresponde aux bassins d’activité les plus émetteurs de CO2 d’origine industrielle. Les territoires retenus appartiennent ainsi à six grandes régions métropolitaines (Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Grand-Est, Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays de la Loire) et concernent plus précisent les territoires départementaux et infra-départementaux suivants (cf. Carte ci-dessous) :

  • Le territoire Normandie- Axe Seine et Bresle : 10,6% des émissions nationales de CO2 ; 72 553 emplois dans l’industrie
  • Les départements du Nord Pas-de-Calais : 23,2 % des émissions nationales de CO2 ; 168 045 emplois dans l’industrie
  • Des territoires des départements de (Moselle, Meurthe-et-Moselle et Haut-Rhin) en Grand-Est : 9,8 % des émissions nationales de CO2 ; 89 238 emplois dans l’industrie
  • Le territoire du Pacte de Cordemais en Pays-de-la-Loire : 5,2 % des émissions nationales de CO2 ; 40 666 emplois dans l’industrie
  • Des territoires des départements du Rhône et de l’Isère : 3,5 % des émissions nationales de CO2 ; 73 632 emplois dans l’industrie
  • Le département des Bouches-du-Rhône : 17,2 % des émissions nationales de CO2 ; 62 325 emplois dans l’industrie
ANCT

 

Au sein des 27 États membres, près de 90 régions ou territoires sont concernés. Le budget total du FTJ s’élève à 17,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027, dont 10 milliards provenant du plan de relance européen. En France, les fonds seront mis à disposition sur la base de plans territoriaux de transition juste (PTTJ). Ces plans sont élaborés conjointement entre l’État et les conseils régionaux des territoires éligibles. 

Le FTJ en Europe

La Pologne devrait être le premier bénéficiaire du FTJ (3,5 milliards, soit 20% de l'enveloppe), suivie de l'Allemagne (12,88%), de la Roumanie (11,12%), de la Bulgarie (6,73%), de l'Italie et de la France (5,35% chacune, soit près d’un milliard d’euros). 

Le fonds de transition juste a une vocation économique mais aussi sociale et vise à compenser les destructions d’emplois liés à la transition écologique. Le service de recherche de la Commission européenne estimait par exemple, en 2018, que le secteur du charbon employait près d’un demi-million de personnes en Europe, de manière directe ou indirecte. La perte d’emploi direct était alors estimée à 160 000 d’ici à 2030. 

Quelle transition pour les régions minières en Europe ? L’exemple du projet européen TRACER

Le charbon est actuellement exploité dans 41 régions de 12 pays de l’UE, ce qui en fait le combustible fossile le plus abondant de l’UE et une source importante d’activité économique. La transition vers une économie à faibles émissions de carbone implique des défis technologiques, économiques et sociaux importants, en particulier pour les régions à forte intensité de charbon qui doivent se préparer à la réduction ou à l’élimination progressive du charbon.

Le projet européen TRACER, financé par le programme Horizon 2020 à hauteur de 1.9 million d’euros, soutient neuf régions à forte intensité de charbon en Europe pour définir ou redéfinir leurs stratégies de recherche et d’innovation afin de faciliter leur transition vers un système énergétique durable. Le marché du travail et l’adaptation des compétences sont une des composantes clés étudiée dans le cadre de ce projet. Une première analyse de la situation dans ces régions en transition a conduit à répertorier les causes d’échec des politiques de formation et de reconversion des habitants de ces zones minières. L’absence de définition des compétences nécessaires et demandées par les employeurs potentiels a été soulignée.

Une étude, visant à identifier les meilleures pratiques liées au marché du travail et aux processus de transformation et de mutation économique, élaborée dans le cadre de ce projet européen, a permis d’identifier les enjeux prioritaires suivants :

  • la qualification et la spécialisation des personnes pour de nouvelles professions en remplacement des emplois perdus suite à la cessation de l’activité minière. Ces nouveaux domaines sont notamment le tourisme et les services, les activités culturelles, le soutien aux activités d’enseignement et de recherche…
  • l’évaluation de la transférabilité des compétences axées sur les mines de charbon à d’autres spécialisations intelligentes ;
  • la réutilisation des installations et infrastructures des activités minières ;
  • l’identification des besoins en qualification, en parallèle du recensement des compétences existantes de la main-d’œuvre locale.

De nouvelles opportunités en termes d’emplois et d’inclusion 

La Commission européenne a fixé l’objectif ambitieux que 60% des adultes participent à des actions de formation chaque année d’ici 2030 (Source : Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux). L’ambition est notamment d’assurer la transition écologique de l’UE et de permettre aux citoyens d’acquérir de nouvelles compétences. Ces formations peuvent correspondre à une logique de reconversion. En effet, elles peuvent viser à orienter ceux travaillant dans des domaines qui deviennent obsolètes (mines de charbon, sources d’énergie fossile...) vers des compétences liées à la transition écologique. Dans certains secteurs traditionnels tels que l’automobile, il s’agira plutôt de tendre vers une évolution des compétences, afin d’accompagner les salariés dans la construction de nouveaux moteurs et véhicules moins polluants, avec le potentiel développement d’une filière « batterie » française ou encore la construction d’infrastructures et services de recharge. De même, dans le secteur de la construction qui, avec 196 000 emplois générés d’ici à 2050, serait le plus pourvoyeur en emplois selon la Stratégie nationale bas carbone (Rapport d’accompagnement - MTES, mars 2020).  

Ces formations peuvent également être articulées autour de l’émergence de « métiers verts » ; la nouvelle génération devra ainsi être formée pour répondre à une demande croissante en termes d’emplois verts (construction et installation de panneaux solaires, techniciens de maintenance, etc.). Enfin, de nouvelles formations devront être imaginées et développées pour faire face à la création de nouveaux emplois dans des domaines encore expérimentaux (énergie basée sur l’hydrogène, analyse des émissions carbones, consultants dans le domaine de la technologie et de la transition écologique...).

  • Un vecteur d’inclusion et d’insertion pour les personnes éloignées de l’emploi et les jeunes européens
    La transition écologique peut également être une opportunité pour les personnes éloignées de l’emploi et constituer un vecteur d’inclusion et d’insertion, des enjeux au cœur des objectifs du FSE+. 

Remobiliser et former les personnes éloignées de l’emploi via des chantiers d’insertion plus « verts »

L’association « Plateforme d'Insertion par l'Humanitaire et la Coopération », située à Romans-sur-Isère (Drôme) tisse un lien entre chantier d’insertion et écologie / économie circulaire. Elle propose des ateliers d’insertion dont le fil conducteur est le recyclage, le réemploi et la réduction des déchets dans des secteurs tels que l’informatique, le bois ou encore le textile (atelier de reconditionnement informatique, d’éco-menuiserie, collective, remise en état et vente de vêtement de seconde main). Ces activités d’insertion par l’activité économique ont été cofinancées par le Fonds social européen (PON « Emploi et Inclusion » 2014-2020).
 

Les métiers de la transition écologique (secteurs du bâtiment, de l’énergie, protection et valorisation de la biodiversité…) sont également une porte d’entrée vers la formation et l’acquisition de compétences pour les jeunes européens, notamment ceux rencontrant des difficultés (décrochage scolaire, jeunes en situation de handicap…). 

Former les jeunes décrocheurs aux emplois verts et verdissants de demain avec « l’École européenne de la transition écologique »

Chaque année, en France, près de 100 000 jeunes quittent le système scolaire sans diplôme ni qualification. L’École européenne de la transition écologique (ETRE) s’est lancée le défi d’orienter ces jeunes vers les métiers de la transition écologique, en proposant des formations gratuites, pratiques et manuelles autour des métiers verts et verdissants. À Lahage (Occitanie), une des écoles du réseau ETRE, 61 jeunes sont formés et accompagnés chaque année, dont 86% obtiennent le diplôme/titre professionnel de « Menuisier Agenceur ». Sept autres écoles sont disséminées dans plusieurs régions françaises. L’association 3PA, à l’origine du projet, a bénéficié du programme européen ERASMUS+ : 31 jeunes de six pays euro-méditerranéens (Allemagne, République Tchèque, Espagne, Grèce, France) ont ainsi participé à une diversité d’activités (ateliers d’éco-construction et de maraîchage, visites d’entreprises locales…).
 

  • Un enjeu particulièrement prégnant dans certains territoires
    Si certains publics sont particulièrement concernés par les conséquences sociales de la transition écologique (jeunes, personnes éloignées de l’emploi…), celles-ci sont également particulièrement visibles dans les territoires soumis à de fortes mutations économiques ou environnementales tels que les territoires ultra-marins ou encore les zones de montagne. Ces espaces sont en effet confrontés à de fortes pressions environnementales, mais disposent d’un fort potentiel en matière de verdissement des emplois, dans des secteurs tels que la production d’énergie ou encore du tourisme durable.

La préservation de la biodiversité et l’insertion des personnes éloignées de l’emploi à la Réunion

À la Réunion, l'office national des forêts porte des chantiers d’insertion, soutenus par le programme opérationnel régional FSE-Réunion (2014-2020) offrant aux bénéficiaires une chance d’acquérir une qualification et une expérience dans le domaine de l’environnement. Les travaux réalisés contribuent ainsi à la valorisation des forêts publiques, des sentiers de randonnée, et in fine au maintien de la biodiversité sur l’Île.