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  • 11.07.2022

La mobilité, route royale vers l’insertion des jeunes en zone rurale

Le soutien du Fonds social européen a permis à la Mission Locale de Thiérache, dans l’Aisne, de déployer pour la première fois un « Pack Mobilité » et d’amorcer une dynamique pérenne pour faciliter les déplacements des jeunes en quête d’emploi ou de formation.

 

Contrairement aux idées reçues, les entreprises du territoire rural de la Thiérache recrutent. Encore faut-il pouvoir se rendre aux entretiens d’embauche, en particulier quand on est jeune. « La grande majorité des offres exige d’avoir le permis de conduire, et le réseau de transport en commun est faible sur notre territoire », constate Marie-Danielle Saintes, directrice de la Mission Locale de Thiérache.

Selon les chiffres du Conseil départemental, 20% de la population active de l’Aisne connaît des difficultés à se déplacer. Une personne en insertion sur deux déclare avoir refusé un emploi ou une formation en raison d’un problème de transport tandis qu’un jeune sur deux ne passe pas son permis de conduire pour des raisons financières. Ce constat, sans appel, est amplifié dans les secteurs ruraux comme la Thiérache. 

Les freins à la mobilité sont variés : appréhension à prendre les transports, difficulté à réserver un billet de train sur une application smartphone ou un ordinateur, méconnaissance des solutions de transport et des aides à la mobilité, coût du permis de conduire, etc.

 Marie-Danielle Saintes, directrice de la Mission Locale de Thiérache 

Marie-Danielle Saintes,
directrice de la Mission Locale de Thiérache

Dépasser les frontières de la commune

À la Mission Locale de Thiérache, à Vervins, les conseillers sont persuadés qu'être mobile, ça s'apprend. "La mobilité doit être appréhendée comme une compétence à part entière, au même titre que lire, écrire et compter", confirme Marie-Danielle Saintes. Alors en 2016, avec le soutien du Fonds social européen (FSE), la structure a déployé pour la première fois une action baptisée "Mobilité Insertion". Ce parcours de quatre mois comprenait cinq modules abordant différents aspects de la mobilité. Il s'appuyait sur l'incontournable apprentissage du code et de la conduite, tout en allant bien au-delà. "Dans cette action nous avons misé sur l'apprentissage de situations vécues de déplacements : amener les jeunes à dépasser les frontières de leur commune, du canton pour aller en immersion dans les entreprises, en sorties culturelles ou tout autre projet impliquant un déplacement physique pour vivre l'utilisation de différents modes de transport", détaille la directrice. En prime, un coaching emploi leur permettait de travailler l'élocution, la ponctualité, les choix vestimentaires ou la présentation de leurs motivations.

L'un des modules les plus surprenants a été un partenariat avec la RATP, à Paris. "Le but était de prendre le train puis le métro, beaucoup n'en avaient jamais eu l'occasion. C'était pour eux l'occasion de lever d'éventuelles peurs et d'êtres capables de le refaire seuls pour ceux qui envisageaient des études sur les grandes métropoles". La matinée a été consacrée à un atelier mobilité animé par la RATP. Au programme : savoir lire un plan de métro, se repérer sur les lignes, comprendre la signalétique, connaître les différents titres de transport, les règles du "savoir-voyager". Ils ont ensuite défini des lieux de visites culturelles et mis en application les apprentissages de la matinée. En fin de journée un certificat de mobilité a été délivré à chaque jeune. 

33 jeunes sur 40 ont décroché un emploi

L'action "Mobilité Insertion" a été financée par le FSE pour une durée de deux ans. Au total, 40 jeunes ont participé à ce parcours. Parmi eux, 15 ont décroché un emploi durable (CDI, CDD supérieur à six mois, contrat d'apprentissage ou de professionnalisation) et 18 un contrat inférieur à six mois. "L'approche de situations vécues de déplacement leur fait prendre conscience de l'importance de s'approprier les différents moyens de transport comme atout indispensable pour favoriser un accès à l'emploi et à la formation", analyse Marie-Danielle Saintes. Pour la directrice, le soutien du FSE a été déterminant : "Cette subvention nous a permis de mettre en place des projets innovants, sur une durée d'au moins deux ans, avec une vraie liberté de mise en oeuvre en écho avec les besoins de notre population".

Surtout, grâce au FSE, la Mission Locale a développé son approche de l'insertion par la mobilité. Elle a sollicité le FSE et l'initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ) pour une nouvelle initiative sur la mobilité intitulée "IEJ - Mon métier pour demain" avec une approche centrée sur les immersions en entreprises au-delà du rayon de vie quotidienne des jeunes. Elle a également noué de nouveaux partenariats : "Les jeunes en difficulté d'apprentissage du code de la route et du permis ont pu recourir à une autoécole sociale, plus adaptée à ce type de public par le nombre d'heures proposées, par la modalité pédagogique utilisée".

La mobilité, sésame vers l'emploi, la culture, la santé

En 2022, la Mission Locale de Thiérache continue d'oeuvrer pour la mobilité. Elle a récemment répondu à un appel à projets de l'Agence Nationale pour la Cohésion des Territoires (ANCT) pour l'installation, dans ses locaux, d'un simulateur de conduite. Objectif ? Faciliter l'obtention du permis en permettant à des jeunes vivant en zone rurale de s'entraîner virtuellement à la conduite, autant qu'ils le souhaitent. Cet équipement doit ainsi permettre d'augmenter le taux de réussite à l'examen et limiter les abandons des cours en autoécole.

La Mission Locale a été ensuite retenue pour la mise en place d'une plateforme Mobilité Jeunes dans le cadre d'un appel à projets lancé par le Fonds National d'Aménagement et de développement du territoire (FNADT). Là encore, le but sera de développer l'autonomie des jeunes dans la prise en charge de leurs besoins en matière de mobilité et favoriser l'insertion professionnelle et sociale des plus fragiles et précarisés. La plateforme proposera la création d'un centre ressources mobilité, des bilans mobilité, une information sur les différentes aides à la mobilité, un partenariat avec un garage solidaire pour des locations et réparations de véhicules, des situations vécues de déplacements en train et métro, etc. L'embauche d'un conseiller mobilité est prévue pour prendre en charge le fonctionnement de la plateforme. Autant d'initiatives qui doivent favoriser l'accès à l'emploi, mais pas uniquement pour Marie-Danielle Saintes : "La mobilité, c'est sortir de son territoire de vie, c'est se donner l'occasion d'élargir son rayon de recherche d'emploi ou d'accès à la formation, c'est ne plus dépendre d'autrui (famille, amis...) pour se faire véhiculer. Mais c'est aussi le sésame vers la culture et l'accès aux soins".