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Entretien avec la première Coordinatrice jeunesse de l’Union européenne
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Entretien avec la première Coordinatrice jeunesse de l’Union européenne
Comment impliquer les jeunes dans une institution européenne qu’ils connaissent mal ? Comment leur faire découvrir et participer aux politiques et budgets qui leurs sont dédiés ? Depuis juin 2021, ce rôle de taille incombe à Biliana Sirakova, la nouvelle Coordinatrice jeunesse à l’Union européenne. Un tout nouveau poste pour répondre aux « défis particuliers » de cette « période d’incertitude » et de transition vers l’âge adulte, explique Biliana Sirakova lors d’un entretien au FSE Mag. Environnement, éducation, emploi : focus sur les missions et les ambitions de la Coordinatrice jeunesse dans les mois à venir.
J’ai hâte de pouvoir faire une différence pour la jeunesse française.
Pourquoi votre poste de coordinatrice européenne de la jeunesse est-il aujourd'hui nécessaire ?
Biliana Sirakova : « La pandémie a particulièrement touché les jeunes et a entraîné de nombreux effets négatifs : interruption de l'éducation, perte d'emploi, de revenus et d'évolution de carrière, isolement social et même impact négatif sur la santé mentale. Le pire, c'est que nous ne mesurons pas encore l'ampleur que ces problèmes prendront dans les années à venir.
Il y a donc un besoin d’aider nos jeunes à se rétablir en priorité. Cela doit être un effort partagé entre toutes les institutions, aux niveaux local, régional, national et européen. Une implication des citoyens, en particulier des jeunes eux-mêmes et de leurs représentants, est aussi nécessaire. Il faudra donc beaucoup de coordination et de communication et c'est pourquoi le rôle de Coordinatrice de la jeunesse peut être particulièrement pertinent aujourd'hui.
Concrètement, comment la Commission entend-elle apporter des solutions aux préoccupations et aux difficultés des jeunes Européens ?
Les politiques de la jeunesse et de l'éducation relèvent de la responsabilité des États membres. Cependant, l'UE peut soutenir et compléter les différentes actions en coordonnant tous ses États membres et également avec des programmes très concrets, comme par exemple, Erasmus+ et le Corps européen de solidarité (voir encadré).
Dans d'autres domaines qui ne sont pas liés à l’éducation, la Commission a proposé l'année dernière la Garantie renforcée pour la jeunesse. Tous les pays de l'UE se sont engagés à respecter cette garantie. C’est la promesse faite à tous les jeunes de moins de 30 ans de recevoir une offre d'emploi de bonne qualité, la possibilité de poursuivre leurs études et un stage ou un apprentissage dans les quatre mois suivant leur inscription au chômage ou leur sortie de l'enseignement.
Quels sont les principaux défis que la Commission a identifiés pour les jeunes Européens ?
La jeunesse est une transition vers l'âge adulte et, comme toute transition, c'est une période d'incertitude avec des défis. Les jeunes sont plus exposés au risque de pauvreté. Certaines inégalités sont également liées au lieu de résidence : les jeunes qui vivent dans des régions éloignées ou rurales ont moins de possibilités d'étudier et de travailler. Ces dernières années, le nombre de jeunes sans-abri a augmenté. Les difficultés d’accès au logement, le chômage et le pourcentage très élevé de jeunes qui n'ont pas d'emploi et ne suivent ni études ni formation sont des préoccupations majeures. Il peut s’en suivre une véritable exclusion sociale. Et si un jeune a une orientation sexuelle différente, ou s'il est issu d'une minorité, ou n’est pas blanc, ou s'il a un certain handicap, en bref si il est différent de la majorité, ces difficultés sont exacerbées.
Quelle est votre priorité pour les prochains mois ?
Ce sera d’établir des relations tout en faisant prospérer ce qui existe déjà. J'ai déjà commencé à rencontrer un grand nombre de parties prenantes : des représentants d'organisations de jeunesse mais aussi des collègues de l'UE qui sont des experts et participent à des initiatives. C'est très utile pour avoir une vue d'ensemble des problèmes auxquels les jeunes sont confrontés. J'examine également de nombreuses données pour identifier certaines tendances et ainsi anticiper des problèmes. J’aimerais mieux comprendre comment et où nous pouvons inclure la perspective des jeunes dans la politique.
Quels défis rencontrent la jeunesse française, et comment le financement européen peut-il aider ?
Dans le cas de la France, le chômage des jeunes est un sujet critique ainsi que les conditions précaires de certains groupes de jeunes. La transition vers la recherche d'un emploi de qualité est décisive tout comme le développement des compétences, notamment numériques. Mais je pense que les jeunes Français ont des raisons concrètes d’avoir confiance en l’Europe. La semaine dernière [23 juin 2021], la Commission a approuvé le plan français de relance et de résilience, un plan de 39,4 milliards d'euros. Ce plan est réellement tourné vers l'avenir. Il vise spécifiquement la création d'emplois pour les jeunes et la réduction des inégalités régionales.
Plusieurs initiatives de l’Union européenne en faveur de la jeunesse
- Erasmus+
Périodes d’études à l’étranger, stages, échanges de personnels… Le programme Erasmus+ finance la mobilité de 10 millions d’Européens à des fins d’apprentissage et de coopération transfrontalière. Le budget 2021-2027 s’élève à 26,2 milliards d’euros : ce sont 11,5 milliards de plus qu’en 2014-2020. - Corps européen de solidarité
Ce programme doté d’un budget de plus d’1 milliard d’euros pour la période 2021-2027 soutient les jeunes dans leurs actions de volontariat. En 2021, la priorité est donnée aux actions dans le domaine de la santé, notamment les défis sanitaires liés à la pandémie de Covid-19. Mais le Corps finance aussi des projets sur l’environnement, l’aide aux personnes dans le besoin et bientôt l’humanitaire dans le monde entier. - Dialogue de l'UE en faveur de la jeunesse
Le Youth Forum est un moyen de faire entendre la voix des jeunes dans les processus politiques européens à travers des cycles de dialogue. Chaque cycle dure 18 mois et se concentre sur un thème précis. Les jeunes y échangent avec des politiciens, des experts, des décideurs et des organisations de jeunesse. 290.000 jeunes y ont participé depuis sa création en 2011. - Objectifs pour la jeunesse européenne
Lors du 6e cycle du dialogue de l’UE en faveur de la jeunesse, les parties prenantes ont ainsi réfléchi au thème « La jeunesse en Europe : quelle suite ? » et sont parvenues à 11 objectifs. Parmi eux : soutenir les jeunesses rurales, une Europe verte et durable, égalité de tous les genres, santé mentale et bien-être. - Garantie renforcée pour la jeunesse
Les 27 pays membres de l’Union européenne se sont engagés à ce que tous les jeunes âgés de moins de 30 ans bénéficient d’une offre de qualité pour un emploi, une formation continue, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la perte de leur emploi ou la fin de leurs études. La garantie est « renforcée » parce qu’elle inclut désormais les jeunes de 15 à 29 ans (contre 24 ans par le passé). - Youth Climate Pact Challenge (Défi du Pacte climatique pour la jeunesse)
Un atelier de réflexion dédié aux jeunes Européens âgés de 15 à 30 ans qui s’est déroulé fin juin 2021. Les meilleures idées ont vocation à être concrétisées et présentées au vice-président exécutif de la Commission européenne Frans Timmermans après l’été. Cette initiative fait partie du Pacte vert pour l’Europe doté de 6 000 milliards d’euros issus du plan de relance NextGenerationEU et du budget septennal de l’UE.
Quelle perception avez-vous du rapport entre les jeunes et les institutions françaises ?
Mon impression générale est que les institutions françaises et la société française font preuve de solidarité envers leur jeunesse, je pense que la majorité des citoyens soutiennent les mesures qui aident les jeunes à se relever et à mieux se reconstruire. Enfin, dans les institutions de l'UE également, les jeunes Français doivent savoir que de nombreuses personnes travaillent avec leurs intérêts en tête. Je suis bien sûr l’une d'entre elles et j’ai hâte de pouvoir faire une différence pour eux.
Le budget européen 2021-2027 a été renforcé pour les jeunes. Leurs besoins et leur rôle sont-ils mieux pris en compte ?
Ce budget concrétise l’ambition de rendre l'Europe plus résiliente, plus numérique, plus inclusive. L’objectif est de rendre l'Europe meilleure pour la prochaine génération, d'où son nom. La Commission européenne a demandé aux États membres de faire de la jeunesse une priorité dans le cadre de ce programme. Je pense qu'il est très rassurant que ce budget NextGenerationEU soit assez significatif. Il s'agit de 750 milliards d'euros sur les 1,8 trillions du budget à long terme, ce n'est donc pas la moitié, mais presque.
De plus, certains programmes comme Erasmus+ et le Corps européen de solidarité ont été considérablement renforcés. Erasmus+, par exemple, a presque doublé de budget et touchera donc beaucoup plus de personnes.
Vous avez mentionné vouloir aider la jeunesse européenne à aborder le thème du climat, quelles actions envisagez-vous ?
Nous savons que les jeunes du monde entier sont parmi les plus grands militants sur des questions telles que le changement climatique, le développement durable, la diversité et la biodiversité. Et à juste titre, car ils veulent une planète et un lieu de vie sains. Nous voulons donc utiliser le point de vue des jeunes, leurs idées et les impliquer également. Nous avons de nombreuses initiatives qui soutiennent le Pacte vert pour l’Europe (voir encadré). Je suis très heureuse que mes collègues soient enthousiastes et ouverts à l'idée d'inclure les jeunes dans la conception de nouveaux projets.
Comment votre expérience professionnelle passée va-t-elle nourrir votre mission ?
Toute mon expérience passée a été orientée vers l’établissement de liens et de contacts. Au cours des années passées à la Commission, j'ai travaillé en tant que formatrice et conseillère, notamment auprès des jeunes. Dans mon nouveau rôle de coordinatrice jeunesse, il sera très important de nouer des relations avec les différents groupes de parties prenantes, internes et externes, et de tirer des enseignements de l'expérience des autres et de donner de la visibilité aux initiatives...et bien sur aux jeunes ! »
Biliana Sirakova est fonctionnaire de la Commission européenne depuis 2010.
Elle a fait des études d'économie et de gestion et est titulaire d'une licence de l'université Ohio Wesleyan aux États-Unis. Elle a dix-huit ans d'expérience professionnelle dans les secteurs public, privé et à but non lucratif.
Le travail de Biliana s'articule autour de l'établissement et de la gestion de relations avec diverses parties prenantes, et de la communication pour l'impact et l'apprentissage.