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Ac.Sé, un dispositif d’urgence pour mettre à l’abri des victimes de la traite des êtres humains
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Ac.Sé, un dispositif d’urgence pour mettre à l’abri des victimes de la traite des êtres humains
Créée en 1911, l’association ALC agit dès 1958, pour l’accueil de femmes en errance ou en situation de prostitution dans les Alpes-Maritimes. Voici une vingtaine d’années, elle lance un dispositif innovant, Ac.Sé (accueil sécurisé) pour mettre à l’abri des victimes de la traite des êtres humains. Avec le même leitmotiv : coconstruire chaque solution avec la personne concernée. Revue de détails avec Patrick Hauvuy, directeur du pôle Prévention, Hébergement, Insertion de l’association ALC et pilote du dispositif Ac.Sé.
Quelles sont les principales missions d’ALC et du pôle que vous dirigez ?
Patrick Hauvuy : Cette association reconnue d’utilité publique s’engage dans la défense des droits et l’insertion de publics en difficulté, dont des victimes de violence ou de traite des êtres humains. ALC (Agir pour le lien social et la citoyenneté) compte 420 salariés répartis dans différents pôles. Celui que je dirige regroupe entre autres des services pour des personnes en situation de prostitution (hommes, femmes, transgenres). La pierre angulaire de nos actions est d’« aller vers ». Nous avons affaire à un public à 90% étranger, majoritairement issu de l’Afrique subsaharienne, souvent en situation irrégulière, qui ne sollicite ni les services sociaux ni les services de soin. Aussi, nos équipes, accompagnées de médiateurs culturels, font des maraudes pour les rencontrer. Lorsque la confiance s’établit, nous leur proposons un accueil inconditionnel et individualisé, fondé sur la construction d’un projet en commun. Au sein du pôle, je gère aussi un centre d’hébergement pour femmes, surtout des victimes de la traite d’êtres humains. Nous proposons aux volontaires un stage dans notre boutique seconde main à Nice. Enfin, je pilote le dispositif Ac.Sé.
En quoi consiste ce dispositif Ac.Sé ?
Il repose sur un réseau de plus de 80 partenaires, lieux d’accueil et associations spécialisées répartis sur le territoire national. Il a été pensé pour protéger les victimes de la traite d’êtres humains en danger, nécessitant un éloignement géographique. Il s’appuie sur le maillage territorial des CHRS (centres d’hébergement et de réinsertion sociale), que nous avons formés à l’accueil de ce public spécifique. Lorsqu’une victime doit être mise à l’abri, nous l’associons à la démarche et l’accompagnons vers un lieu d’hébergement. Pour sa sécurité, elle doit laisser de côté son téléphone portable et les réseaux sociaux durant 2 ou 3 mois, et ne pas avertir sa communauté d’origine de son lieu d’accueil. Nous échangeons en parallèle avec de nombreuses structures au niveau international, en particulier avec celles localisées dans les pays d’origine des victimes pour préparer le retour de celles qui le souhaitent.
Quels sont les moyens mis en œuvre pour réaliser vos actions ?
Nous sommes financés à 95% par le secrétariat d'État aux droits des femmes. Le reste est octroyé par la ville de Paris (un tiers des victimes viennent de la capitale), le Ministère de la Justice (pour financer une formation nationale sur l’identification des victimes de la traite pour les travailleurs sociaux, les forces de l’ordre et les magistrats). Depuis cette année, l’AGRASC (agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués) nous soutient pour renforcer le nombre de places d’hébergement pour les victimes. Ces sommes proviennent des biens confisqués par la justice à des criminels en lien avec le proxénétisme, la traite, l’esclavage… N’oublions jamais que la traite d’êtres humains représente la troisième source de revenus au niveau mondial !
Nous pouvons aussi compter sur des structures comme l’OII (organisation internationale pour l’immigration) ou sur les services du Ministère des Affaires Étrangères pour les projets de retour par exemple.
Quels sont les impacts de la crise sur vos activités ?
Nous avons assisté à un effondrement massif de la prostitution sur la voie publique. Afin de maintenir le lien, nous avons mis en place des numéros de téléphone dédiés et des pages Facebook, des distributions de tickets services et une aide financière. Notre file active annuelle de 250 personnes suivies est désormais de 150 à 180. Beaucoup se sont enfermés chez eux, angoissés par la situation sanitaire et leur perte de revenus. La crise a provoqué un délitement du faible équilibre que certaines personnes avaient construit dans l’exercice de leur activité. De plus, elles ont dû réduire leur soutien financier à leurs familles dans leur pays d’origine, ce qui représente une catastrophe pour l’Afrique subsaharienne.
En quoi consiste le partenariat avec Pôle Emploi ?
ALC et Pôle emploi Alpes-Maritimes ont signé pour la première fois, le 8 mars 2021, une convention de partenariat visant à fluidifier l’offre de services vers l’emploi pour les publics les plus fragiles, notamment pour les aider à sortir de la prostitution. Dans chaque cas, nous construirons un projet commun impliquant un référent Pôle Emploi, un référent ALC et la personne concernée. Nous identifierons les freins mais aussi les compétences. Les victimes ont vécu des traumatismes importants et ont souvent une image dépréciée d’elles-mêmes. Nous leur proposerons de l’alphabétisation, des formations, une aide pour trouver du travail, des ateliers autour de la nourriture, etc. Ce travail exhaustif et holistique les aidera à retrouver un second souffle.
La pierre angulaire de nos actions est d’« aller vers ».