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  • 16.06.2023

Le Fonds pour la transition juste : soutenir une transition écologique juste et inclusive en Europe

Pour répondre aux objectifs fixés par l’Accord de Paris de 2015, l’Union européenne a lancé en 2021 le Pacte Vert pour l’Europe, un ensemble de mesures visant à transformer l’UE en une économie respectueuse des ressources naturelles, compétitive et neutre en carbone d’ici à 2050. Cette transition doit cependant être juste et inclusive, afin de ne pas affecter trop fortement les équilibres socio-économiques des régions européennes les plus dépendantes aux activités carbonées. Pour ce faire, l’Union européenne a mis en place le Mécanisme pour une Transition Juste, dont un des trois piliers est le Fonds pour la transition juste (FTJ). Doté d’un budget de 17,5 milliards d’euros pour la programmation 2021-2027 et distribué de manière différenciée aux régions européennes, il permet la mise en place de mesures « ciblant les salariés concernés par les fermetures de sites, des secteurs industriels en déclin (…) tout en favorisant le développement de nouvelles activités créatrices d’emplois »[1] . Il répond ainsi à un objectif de promotion d’une transition équilibrée, via la diversification des économies locales et le soutien à la reconversion et la formation actives des travailleurs et des demandeurs d’emplois dans les régions fortement émettrices de gaz à effet de serre (GES).

 

[1] Accord de partenariat pour la mise en œuvre du FTJ

Accompagner le processus de transition écologique dans les régions européennes grâce au FTJ

Les objectifs du Fonds pour une Transition Juste : soutenir les territoires et les travailleurs dans la transition écologique

 

Le Fonds pour une Transition Juste (FTJ) relève de la politique de cohésion européenne et constitue l’un des trois piliers du Mécanisme pour la Transition Juste (MTJ), créé par l’Union européenne pour accompagner la transition écologique des régions européennes durant la programmation 2021-2027. Le MTJ inclut le Fonds pour la Transition Juste, le dispositif InvestEU pour une transition juste, ainsi qu’un système de facilité de prêt au secteur public accordée par la Banque européenne d’investissement (BEI). Ces outils ont été développés afin de limiter les effets défavorables de la transition écologique pour les régions les plus dépendantes aux énergies et industries fossiles et pour les accompagner vers l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050. 

L’objectif principal du FTJ est d’accompagner les régions les plus affectées par la transition vers la neutralité climatique et de réduire les inégalités régionales - un des objectifs de la politique de cohésion européenne - via l’allocation de subventions. Il doit ainsi « atténuer les effets négatifs de la transition climatique en soutenant les territoires les plus touchés et les travailleurs concernés ainsi que de promouvoir une transition socioéconomique équilibrée »[2] et permettre la modernisation et la diversification de l’économie locale. 

[2] Règlement UE du Parlement européen et du Conseil établissant le FTJ, 2021

Le FTJ, c’est quoi ? 

17,5 milliards € pour l’ensemble de l’UE (entre 2021 et 2027)


Un soutien pour :  atténuer les effets de la transition, diversifier les économies, développer les énergies renouvelables, soutenir la reconversion des travailleurs
 

Pour bénéficier du financement du FTJ, les États membres présentent des plans territoriaux de transition juste spécifiant les domaines d’intervention ciblés, les pertes d’emplois attendues, ainsi que les besoins de transformation de l’économie locale : ils prennent ainsi en compte les incidences sociales et économiques de la transition. Les critères d’allocation sont fondés sur les émissions industrielles dans les régions à forte intensité de carbone, sur le taux d’emploi dans les industries polluantes (charbon, lignite, tourbe, schiste bitumineux) et sur le niveau de développement économique. Enfin, le FTJ subventionne les projets selon la catégorie de la région où sont situés les projets. Pour les régions les moins développées, le plafond de cofinancement est de 85%, pour les régions en transition il est de 70%, et pour celles qui sont le plus développées, il est de 50%.

 

carte

 

La France bénéficie de 1,03 milliard d’euros au titre du FTJ. Dix territoires de six régions françaises ont été retenus, selon plusieurs critères dont leur niveau d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et le nombre d’emplois liés aux industries polluantes. L’enveloppe française est répartie entre les conseils régionaux de ces territoires pour la mise en œuvre des mesures économiques (70%) et l’Etat pour les mesures du volet emploi et compétences (30% soit 309 M€). Les territoires sélectionnés représentent 500 000 emplois et 70% des émissions de CO2 françaises (énergie et industrie). Au sein de ces territoires, le FTJ ciblera les secteurs considérés comme en déclin (production d’électricité à base de charbon, cokéfaction et raffinage) ou en transformation (métallurgie, chimie, fabrication de produits minéraux non métalliques). Ces secteurs rassemblent 230 000 emplois directs et indirects dans les territoires visés par le FTJ (données de 2018). À l’horizon 2029, l’objectif est d’accompagner ou de former 78 000 chômeurs de ces territoires vers des secteurs de diversification plus verts (énergies renouvelables, économie circulaire, etc.)[3].

 

[3] Programme National FTJ   

Le Fonds pour la transition juste dans la région des Hauts-de-France : un exemple pour comprendre le fonctionnement du FTJ dans les régions européennes 

Dans les Hauts-de-France, un plan territorial a été validé en octobre 2022 portant sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais, avec une dotation de 228 millions d’euros. 

Contexte dans le département du Nord : le département émet 23 millions de tonnes de GES par an. 80% proviennent du complexe industrialo-portuaire de Dunkerque et 20% des activités métallurgiques et chimiques sur la Métropole européenne de Lille et le bassin industriel du Hainaut-Cambrésis. Le département compte environ 50 000 emplois dans les filières émettrices de GES.

Contexte dans le département du Pas-de-Calais : le département émet 3,4 millions de tonnes de GES par an. Plus de 70% proviennent de zones industrielles situées autour de Béthune, Lens et Saint-Omer. Les activités les plus polluantes sont la production minérale non métallique (ciment et verre) et la filière chimie matériaux. Le département compte 37 000 emplois dans des filières fortement émettrices de GES. 

Filières à enjeux : métallurgie, industrie de la construction et de la chimie matériaux. 
Logique de diversification des PTTJ : énergies renouvelables, batteries et hydrogène automobile, BTP durable et isolation, recyclage / traitement des déchets, logistique, transport.


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Un fonds qui prend en compte la diversité des contextes régionaux et nationaux 

 

Le FTJ bénéficie à plusieurs régions européennes et répond à la diversité des contextes locaux.

Certains États européens disposent d’une allocation très élevée sur une aire géographique réduite. C’est le cas de la Pologne, de l’Allemagne ou encore de la Roumanie qui sont les premiers bénéficiaires du FTJ en termes de montant (respectivement 3,8 milliards, 2,5 milliards et 2,1 milliards d’euros). De nombreux emplois dans les régions les plus émettrices en GES de ces États sont dépendants des industries polluantes (près de 2 millions d’emplois en Pologne, un million d’emplois en Allemagne contre 54 000 pour la Suède, par exemple).[4] Avec des régions fortement dépendantes de l’industrie charbon, le fonds sera utilisé pour soutenir la réhabilitation et la dépollution de sites miniers, ainsi que la diversification économique via l’investissement dans les énergies renouvelables ou le soutien aux PME travaillant sur des thèmes relatifs à l’énergie et l’environnement. 

 

[4] Infographie du Parlement Européen, European Parliamentary Research Service – Just Transition Fund, 2022

Le cas de la Roumanie : près de 2 milliards d’euros pour soutenir 6 régions roumaines dans la sortie de l’exploitation du charbon 

La Roumanie est le troisième État européen bénéficiaire du FTJ en termes de montant. Elle est dotée d’un budget de 2,14 milliards d’euros, répartis sur six régions du pays (Dolj, Galați, Gorj, Hunedoara, Mureş et Prahova). Ces régions accueillent encore aujourd’hui des mines de charbon actives et des industries émettrices de GES (production d’acier, de ciment, d’engrais).


Le FTJ, pourquoi ?

Le fonds vise à accompagner la dépollution des sols et la réhabilitation de sites industriels abandonnés en espaces verts. Il contrera les effets néfastes de la transition en soutenant la création de PME dans les domaines de l’économie circulaire et la production de matériaux respectueux de l’environnement. Un investissement particulier sera fait dans les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène pour lutter contre la pauvreté énergétique (une majorité de l’énergie provient aujourd’hui du charbon). Concernant les emplois, les travailleurs des industries charbonnières vont accéder à des programmes de formation pour leur reconversion dans des secteurs d’emplois verts : il est attendu que 30 000 travailleurs soient formés et 11 000 nouveaux emplois créés sur la programmation 2021-2027 grâce au FTJ.


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Certains États membres bénéficient d’un montant FTJ plus faible, réparti sur une aire géographique large. C’est le cas de la Suède et de la Finlande (155 millions et 465 millions d’euros). En Finlande, le FTJ permettra par exemple de sortir de la production de la tourbe qui représente 90% de l’énergie, et de soutenir la reconversion des salariés de ce secteur. 

Le FTJ en Finlande : 465 millions d’euros pour soutenir 14 régions finlandaises dans l’atteinte de l’objectif de neutralité climatique d’ici 2035 

En Finlande, le FTJ intervient dans 14 régions où l’économie repose sur la production de tourbe. Le pays en est l’un des principaux producteurs et consommateurs en Europe. Le FTJ vise ainsi à réduire par deux l’utilisation de la tourbe dans le pays d’ici à 2030.


Le FTJ, pourquoi ? Pour soutenir la transition, le fonds soutiendra la diversification des sources d’énergie, la revitalisation des structures économiques et le développement de nouvelles compétences. Le fonds permettra la transformation des compétences des opérateurs de l’industrie de la tourbe vers la récolte de bois et la restauration des tourbières. Pour favoriser le maintien de l'emploi local, le FTJ interviendra en soutien à 1 900 PME qui souffrent du fait de la transition. 4 000 entreprises bénéficieront de la possibilité de coopérer avec des instituts de recherche pour développer de nouvelles innovations ou produits répondant aux besoins d’une économie neutre en carbone.


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Enfin, d’autres États membres reçoivent un financement moins élevé. C’est par exemple le cas du Portugal, de la Belgique ou du Danemark (239 millions, 237 millions et 89 millions d’euros). Ce financement est plus faible puisque le niveau d’émissions de gaz à effet de serre y est relativement bas par rapport à d’autres régions européennes (2 millions de tonnes au Danemark contre 251 millions en Allemagne, par exemple) et que le nombre d’emplois lié aux industries polluantes dans les régions ciblées est plus faible (40 000 emplois au Danemark contre près de 2 millions en Pologne)[5].

 

[5] Infographie du Parlement Européen, European Parliamentary Research Service – Just Transition Fund, 2022

Le FTJ au Danemark : accompagner la mutation de l’économie de deux régions danoises  

Deux régions danoises, le Jutland Nord et Sud, vont bénéficier du FTJ. Ces régions sont des lieux de production pour les industries du ciment et des combustibles fossiles. Le FTJ investira dans la recherche et l’innovation afin de développer des alternatives aux carburants émetteurs de CO2. Il aidera les petites et moyennes entreprises à adopter des processus d’économie circulaire, en utilisant mieux les matériaux et les technologies vertes. En outre, 10 200 travailleurs des industries polluantes devraient être mis à niveau et se reconvertir. Le Danemark via ce fonds, répond ainsi à une problématique très ciblée du passage d’une économie reposant sur les combustibles fossiles à de nouvelles sources d’énergie. 


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Un levier pour développer des modèles socio-économiques résilients et accompagner la mutation et l’émergence de nouveaux secteurs d’emploi 

En France, en 2017, les secteurs de l’industrie et de la production d’énergie concentrent respectivement 17% et 12% des émissions de gaz à effet de serre. La décarbonation entraîne un besoin de restructuration des sites industriels, de leur fonctionnement, et peut entraîner la fermeture de certains sites. Selon une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), les pertes d’emplois au niveau national dans les secteurs les plus exposés pourraient représenter près de 65 000 postes d’ici 2030 : -9% dans la métallurgie, -13% dans la production de minéraux non-métalliques, -8% dans l’industrie chimique, -20% dans le raffinage et la cokéfaction[6]. L’évolution des secteurs industriels les plus émetteurs va par ailleurs conduire à une restructuration des métiers et de nouveaux besoins en compétences. Le FTJ intervient ainsi pour accompagner ces changements et éviter des impacts socioéconomiques négatifs pour les bassins d'emplois les plus touchés. 

En France, pour répondre à ces enjeux, le volet emploi/compétences est mis en œuvre via le programme national FTJ porté par le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion, qui prévoit des typologies de mesures éligibles à savoir : le perfectionnement et la reconversion des travailleurs et des demandeurs d’emploi, l’accompagnement et l’insertion des demandeurs d’emploi et enfin leur inclusion active dans certaines zones du territoire FTJ présentant des vulnérabilités sociales préexistantes. Plus largement, dans l’Union européenne, le FTJ est avant tout un outil pour accompagner les travailleurs dans ces mutations économiques. 

 

[6]Étude de la DARES – « Quels métiers en 2030 ? », publication en Mars 2022 : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/b6da88427d918e6f0a79b1b3227d5e30/Dares_m%C3%A9tiers_en_2030.pdf

La contribution du FTJ à la formation des travailleurs dans des régions fortement émettrices : le cas des régions allemandes et polonaises

En Allemagne, certaines régions sont encore des hauts lieux de production de charbon. Le FTJ soutient les régions dans leur sortie du charbon et favorise l’émergence de nouveaux pôles d’emploi pour combler la disparition du secteur : les investissements sont spécifiquement ciblés sur la création de PME dans des secteurs de l’économie circulaire, des matières premières biosourcées de substitutions et de la réhabilitation des terres. À Schewdt, où se trouve par exemple la quatrième plus grande raffinerie de pétrole d’Allemagne, le FTJ va investir dans un campus de l’innovation et dans la formation professionnelle. Des écoles professionnelles doivent également être créées dans certaines régions, pour accompagner la reconversion de 1 300 personnes dans ces secteurs d’emploi en création.
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En Pologne, le FTJ accompagne également la sortie de l’industrie houillère. En Silésie, le fonds soutiendra la formation de plus de 100 000 personnes, dont beaucoup travaillent aujourd’hui dans les industries fossiles, afin de les former aux industries renouvelables. 27 000 emplois doivent être créés directement du fait de l’investissement dans les énergies renouvelables et le développement de la mobilité propre notamment. Le fonds bénéficiera également aux infrastructures éducatives locales pour l’enseignement de nouvelles compétences « vertes ».  
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Le FTJ peut également permettre, dans certains États membres, d’investir dans la formation en amont de futurs salariés dans des domaines d’emplois verts (Espagne, par exemple). En effet, la nouvelle génération représente également un enjeu et la mutation des formations s’avère nécessaire pour fournir une main d’œuvre qui répondra à des nouveaux besoins en compétences. Plusieurs possibilités sont ainsi offertes aux États membres pour répondre aux enjeux de la transition écologique. Pour anticiper une potentielle suppression des emplois, certains États ont, par exemple, fait le choix de financer l’émergence de nouvelles filières économiques (numérique, énergies renouvelables, économie circulaire, innovation technologique) en parallèle du développement de services de formation.

Le FTJ en Espagne : développer l’économie bleue  

L’Espagne bénéficie de 869 millions d’euros de financement du FTJ, réparties sur 7 provinces.
Le FTJ permettra d’investir dans l’efficacité énergétique, l’économie circulaire et les sources d’énergie renouvelables (solaire et éolien en mer). Il va notamment soutenir la création d’un pôle d’innovation technologique dans le domaine des énergies renouvelables en mer et du stockage de l’énergie, permettant la structuration de nouvelles filières d’emploi. Le fonds financera également l’initiative Alcudia Tech Mar, pour la reconversion de la zone située autour de la centrale thermique locale et en faveur de l’innovation dans le secteur maritime et aquacole. Les investissements seront également ciblés sur les services d’incubateurs pour 160 PME et sur l’innovation de nouveaux procédés ou produits pour 90 PME. Le but est ainsi de compenser la fermeture des filières existantes par l’émergence de nouveaux domaines d’expertises. Par ailleurs, un apprentissage sur mesure sera développé pour les jeunes de 18 à 29 ans, pour intégrer les filières d’emploi émergentes (économie bleue, énergies renouvelables). 

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Le FTJ au Luxembourg : accompagner la digitalisation des entreprises et des services publics
Le Luxembourg bénéficie de près de 67 millions d’euros de financement au titre du FTJ. Au-delà d’un investissement dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique des bâtiments, le Luxembourg souhaite investir dans la digitalisation des petites et moyennes entreprises, pour renforcer leur compétitivité. Une partie du fond sera également dédiée à l’accessibilité des services publics via le développement de plateformes digitales pour faciliter la vie des citoyens. Concernant l’inclusion sociale, plus d’un million du fonds sera destiné au combat contre la pauvreté infantile et contribuera à la mise en œuvre de la Garantie européenne pour l’enfance.

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À ce jour, les programmes nationaux du FTJ ont été validés dans les différents États membres. Les Plans Territoriaux de Transition Juste (PTTJ) pour les régions françaises ont notamment été validés et les premiers appels à projets sont lancés. C’est par exemple le cas en Pays-de-la-Loire, avec la publication d’un appel à projets en mars 2023, ayant pour objectif d’« atténuer les effets de la transition écologique et énergétique en accompagnant les compétences du territoire FTJ ». L’appel à projets vise à accompagner le développement des compétences et la reconversion de salariés ou demandeurs d’emploi issus des secteurs en déclin ou en transformation (cokéfaction et raffinage de produits d’électricité, industrie chimique, métallurgie…) ainsi qu’à d’aider à la recherche d’emplois pour ces publics[7] . D’autres appels à projets devraient être publiés dans chacune des régions durant l’année 2023.

 

[7] Appel à projets publié par la région Pays-de-la-Loire le 29 mars 2023 : https://ma-demarche-fse-plus.fr/external-api/fse-gouv/appels-projets/444/pdf/global