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Salon Joséphine, un institut de beauté et de confiance

Un institut de beauté solidaire pour redonner confiance et estime de soi aux personnes engagées dans une démarche de recherche d'emploi. Tel est le projet mené par Viltaïs à Moulins, dans l'Allier. Rencontre avec Juliette Lucot, assistante sociale de formation chez Viltaïs.

Assistante sociale de formation, Juliette Lucot a intégré l'association Viltaïs il y a une quinzaine d'années, en tant que travailleur(se) social(e). Viltaïs est une structure d'hébergement, d'accueil, et d'accompagnement aux activités diversifiées (ateliers d'insertion, accueil de personnes réfugiées, activité d'asile, activités socio-éducatives..).

L'association qui compte 140 salariés accueille au total 6 000 personnes par an, tous dispositifs confondus.

Il y a cinq ans, les travailleurs sociaux de Viltaïs se sont faits l'écho d'une forme d'impuissance dans leurs interventions : l'organisation savait répondre à l'urgence de la mise à l'abri, à l'aide aux premiers besoins (nourriture, logement, santé...), à l'accompagnement vers Pôle Emploi... Mais finalement, la réinsertion échouait et le risque de "rechute" réapparaissait. "La plupart des personnes souffrent d'un manque de confiance en soi, d'estime de soi... Ce sentiment de dévalorisation représente probablement l'un des plus lourds handicaps dans la recherche d'emploi" explique Juliette Lucot.

Un comité réunissant travailleurs sociaux et bénéficiaires a alors été créé pour mieux comprendre comment lever cet obstacle.  Une demande inédite a spontanément émergé, celle d'un accès à des prestations de bien-être et de beauté, toutes choses interdites pour de multiples raisons (financières, psychologiques, sociales...). "Nous avons esquissé une solution via des associations caritatives, mais les bénéficiaires souhaitaient bénéficier de prestations professionnelles afin d'être pleinement reconnues" précise la responsable.   

En 2014, Viltaïs prend contact avec le Salon Joséphine de Tours, un lieu de "coiffure solidaire" créé par une certaine Lucia Iraci, professionnelle de la beauté des stars,  pour venir en aide aux femmes dans la précarité. Un voyage d'études à Tours confirme le bien-fondé de ce type de démarche. Fort d'un comité de pilotage élargi (voir encadré), le projet est défini en quelques mois : ce sera un salon de beauté social offrant des soins esthétiques et de relaxation, de la coiffure, des prêts vestimentaires en vue des entretiens d'embauche (dressing solidaire). Viltaïs met les bouchées doubles, autofinançant en bonne partie, et le salon ouvre en juin 2015.

La plupart des personnes souffrent d'un manque de confiance en soi, d'estime de soi... Ce sentiment de dévalorisation représente probablement l'un des plus lourds handicaps dans la recherche d'emploi

Juliette Lucot,

Assistante sociale de formation Viltaïs

Avec une esthéticienne et une coiffeuse à mi-temps, et l'aide d'un travailleur social "coordonnateur du salon", le salon Joséphine de Moulins est ouvert deux jours et demi par semaine. Il propose à environ 130-150 bénéficiaires (70 % femmes, 30 % hommes) un rendez-vous une fois par mois pendant un an. Ces personnes, en situation de précarité de divers ordres (économique, familiale, santé, justice...) sont inscrites dans un parcours d'insertion professionnelle. Repérées et conseillées par les travailleurs sociaux, elles doivent être munies d'une fiche de prescription délivrée par des structures habilitées (Pôle Emploi, Cap Emploi, Missions Locales, CIDFF...).

Le parcours est donc bien cadré, financements publics obligent. Mais les bénéfices sont importants. En l'échange d'une participation financière symbolique (pour gommer l'effet "assistance"), les usagers sont reçus et traités comme de clients à part entière. L'effet psychologique est très fort. Les visages renaissent, les personnes sont redynamisées, elles se remobilisent. "Le salon est un outil de retour à l'emploi, au même titre que d'autres aspects de l'accompagnement. Il contribue fortement à une nouvelle dynamique" tient à préciser la responsable de Viltaïs. Le salon Joséphine de Moulins (le label est désormais géré par le groupe SOS) a déclenché une autre expérience de salon solidaire à Clermont-Ferrand.

Une évaluation d'utilité sociale des salons Joséphine est actuellement en cours.  D'ores et déjà, les partenaires locaux du projet reconnaissent le succès et l'intérêt de l'initiative de Viltaïs. Pour autant, la pérennité est loin d'être assurée. Le budget du salon Joséphine de Moulins est de 68 000 euros par an. Le soutien du FSE est de 40 % jusqu'en 2020 (60 % en 2015 et 2016, 40 % de 2017 à 2020). Les collectivités locales reconnaissent le bien-fondé de l'initiative mais sont entrées dans une période de restriction budgétaire. Les financements privés sont aléatoires. Viltaïs qui autofinance plus de la moitié du budget, aura probablement du mal à rester aussi engagée financièrement.      

Le comité de pilotage du salon Joséphine de Moulins

Il regroupe une trentaine de partenaires coiffeurs, esthéticiens, professionnels du secteur médico-social (Caisse d'allocations familiales, CIDFF - Centre d'information sur les droits des femmes et des familles...), de l’insertion professionnelle (Pôle Emploi, Missions locales...), du secteur judicaire, représentants collectivités territoriales et des usagers.

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