Rencontre avec... L'AFEV

Comment lutter efficacement contre les inégalités éducatives et sociales ? Depuis 1991, l’AFEV fait le pari du mentorat. L’association recrute et forme des étudiants bénévoles qui accompagnent des enfants et des jeunes deux heures par semaine. « On n'arrive pas avec un programme, on écoute d’abord l'enfant. Chaque accompagnement est unique, construit à partir des besoins de l'enfant », explique Eunice Mangado-Lunetta.

Les bénévoles vont aussi construire un véritable lien, discuter avec l’enfant, lire, faire des sorties culturelles… Plus qu’un apport technique, « c'est un apport humain », précise la directrice des programmes de l'AFEV. « L'étudiant se met à disposition d'un enfant ou d'un jeune qui est un peu fragile et qui en a besoin », souligne-t-elle.

Cet accompagnement éducatif au sens large vise à redonner confiance en eux-mêmes et en leur parcours scolaire à des jeunes de 5 à 18 ans. « On s'intéresse notamment aux moments charnières dans le parcours éducatif qui sont toujours un peu insécurisants : le passage de la maternelle au CP, l'entrée au collège, l'orientation à partir de la quatrième... ». À la clé de ce mentorat, de meilleurs résultats scolaires, une ouverture culturelle, et même un meilleur comportement en classe et à la maison.

Pour l'étudiant aussi, cette expérience est riche en découvertes. Ils apprennent la communication, l'adaptation à l'autre, la prise d'initiative, la créativité, l'écoute... Des compétences d’ores et déjà reconnues et évaluées à travers la plateforme REEC, co-construite par l'AFEV avec des universités partenaires.

La bascule du Covid-19

Avant la pandémie de Covid-19, l'accompagnement se déroulait en majorité au domicile de l'enfant. L'étudiant bénévole pouvait alors discuter avec la famille de la scolarité de leur enfant, répondre à leurs questions, voire parfois les accompagner dans leur rencontre avec un enseignant.

Mais pendant le premier confinement en mars 2020, toute cette organisation a été bouleversée. Au moment où les volontaires avaient déjà été recrutés, les binômes déjà formés, toutes les actions ont dû basculer en ligne.

« Il y avait des problèmes d'équipement, mais il n'y a pas eu de perte de lien », insiste Eunice Mangado-Lunetta. Au contraire, les étudiants ont senti qu'ils pouvaient « aider “leur” enfant qui se retrouvait dans des situations très dures, avec l'école à la maison, des parents pas du tout en capacité de les aider ».

Ce rôle social a été remarqué et salué par les écoles. En juin 2020, face à un afflux de demandes, l'AFEV lance des opérations de mentorat d'urgence pour 4000 enfants supplémentaires, en partenariat avec d'autres associations et l'aide de l'Éducation nationale et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

Le défi de la mobilisation en ligne

À partir d'octobre 2020, le deuxième confinement commence en France. Et un deuxième défi apparaît pour l'AFEV : comment recruter des volontaires ?

« Chaque année, pour aller chercher nos étudiants bénévoles, on fait une grande campagne de recrutement » explique Eunice Mangado-Lunetta. « On tracte dans les facs, on passe dans les amphis, on va dans les Crous... Là, on avait des facs fermées, les étudiants étaient chez eux et on a dû faire quasiment 100% de notre campagne en ligne ».

Les universités participent alors à la campagne avec leurs moyens : mails aux étudiants, publications sur leurs réseaux sociaux, et même par des interventions de membres de l'AFEV pendant les cours en visioconférence.

Finalement, 2021-2022 a été une très bonne année de l'AFEV en termes de mobilisation étudiante. 9 450 étudiants se sont portés volontaires pour accompagner des enfants et adolescents en zone prioritaire, contre environ 8 000 l’année précédente.

« Les étudiants allaient mal, ils étaient eux-mêmes précaires, pour certains dans leur chambre Crous, tout seuls, enfermés », rappelle Mme Mangado-Lunetta.

D'après une grande enquête de l'AFEV réalisée en janvier 2021 auprès de ses étudiants engagés, 73 % des personnes interrogées étaient inquiètes pour leur second semestre. Et pourtant, 70 % des mentors ont estimé que leur démarche associative leur permettait de mieux vivre cette période de crise. 

« Être là pour un plus jeune que soi qui était lui-même en difficulté », « ça les a aidés à tenir », conclut Eunice Mangado-Lunetta.

Les programmes et actions de l’AFEV

L’AFEV construit son action à travers 3 programmes phares : le mentorat étudiant, le volontariat en Service Civique dédié à des actions éducatives et les colocations à projets solidaires (KAPS). L’AFEV est également très impliquée dans le projet « 1 jeune, 1 mentor », dispositif porté par le Ministère de l'emploi et de la jeunesse et qui s’inscrit dans la continuité du plan « 1 jeune 1 solution ». L’objectif est d’accompagner 200 000 jeunes en 2022 (ils sont aujourd’hui 30 000). L'association travaille également au projet Erasmus + Mentor your future avec cinq autres universités européennes et organisations de mentorat, pour créer une méthodologie commune à l’échelle européenne sur la manière de développer le mentorat étudiant au sein des universités.