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« Objectif Reprise » : interview croisée de trois acteurs régionaux
La crise sanitaire et économique à laquelle nous faisons face a fortement impacté le monde du travail et en particulier les petites et moyennes entreprises qui apparaissent comme étant les plus fragilisées. Lancé le 19 mai dernier par le ministère du Travail, « Objectif Reprise » permet d’accompagner les TPE et PME dans la poursuite ou la reprise de leur activité. Porté par le réseau ANACT-ARACT et les DIRECCTE, ce dispositif gratuit est entièrement financé par le Fonds Social Européen.
Pour parler du projet nous avons réuni trois acteurs régionaux impliqués au quotidien : Armelle Léon, Responsable de l’unité départementale de l’Aube/ DIRECCTE Grand Est ; Olivier Paternoster, Responsable du Pôle 3E UD AUBE/DIRECCTE Grand Est et Dominique Hen, Directeur de l’ARACT Grand Est et Délégué Régional de l’ANACT.
Qu’est-ce-qu’ « Objectif Reprise » et comment une entreprise peut-elle bénéficier de ce dispositif ?
Dominique Hen : Ce dispositif vise à soutenir les entreprises de moins de 250 salariés : les TPE de moins de 11 salariés et les PME qui comprennent entre 11 et 250 personnes. Ce projet permet de les aider à travailler sur leurs propres mesures de prévention suite à la crise provoquée par la Covid-19, aussi bien sur des plans de continuité de l’activité, de reprise de l’activité, de maintien du dialogue social, et de poursuite de la production avec de nouvelles mesures adaptées.
Aujourd’hui, les entreprises rentrent dans le dispositif gratuitement et via un questionnaire. Il s’agit d’un outil d’auto-positionnement qui leur permet de se positionner sur six thématiques : les ressources humaines, le management, l’organisation du travail, la prévention, les retours d’expérience et le dialogue social.
À la fin de ce questionnaire, nous leur posons la question : « Souhaitez-vous être recontacté ? ». En cas de réponse positive, leurs renseignements sont ajoutés à notre base de données et nous les recontactons dans les 4 jours. Nous passons ensuite au premier rendez-vous pour préciser leurs besoins et leurs demandes. Les rendez-vous suivants permettent un accompagnement ponctuel ou à plus long terme.
Le cadre juridique a été très évolutif et il a fallu s’adapter rapidement. Depuis quelques semaines, la plupart des entreprises ont pu reprendre une activité normale et il a fallu faire les démarches nécessaires à cette reprise.
Armelle Léon : Les partenaires locaux sont très réceptifs à ce dispositif et heureusement ! La difficulté est de pouvoir répondre à toutes les questions que peuvent avoir les entreprises liées aux mesures à appliquer suite au Covid-19.
Le cadre juridique a été très évolutif et il a fallu s’adapter rapidement. Depuis quelques semaines, la plupart des entreprises ont pu reprendre une activité normale et il a fallu faire les démarches nécessaires à cette reprise. La mise en œuvre est parfois compliquée, aussi, nous renvoyons vers cette solution « Objectif Reprise » et avons besoin de tous les partenaires locaux, et de leurs solutions existantes notamment.
Olivier Paternoster : Et plus localement, il existe des spécificités liées au bassin de l’emploi du Grand Est. Nous avons des typologies différentes entre les départements, et la région est assez hétérogène, en Champagne-Ardenne c’est très agricole par exemple. Par conséquent, les problématiques ne sont pas les mêmes d’un département à l’autre.
Dans le cadre d’ « Objectif Reprise », nous essayons d’établir une première évaluation de leur situation afin de pouvoir orienter au mieux les entreprises en fonction de leurs problématiques. La crise a révélé certaines problématiques et particulièrement autour du dialogue social. Elle a également engendré certaines frustrations et nous devons adapter les solutions à ce contexte actuel.
Pour ce faire, nous avons mis en place un comité de pilotage hebdomadaire tous les lundis : les équipes de l’ARACT et la DIRECCTE font un point pour savoir où on en est en terme de remplissage des questionnaires et pour passer en revue les problématiques évoquées… Souvent ce sont des sujets très concrets !
Comment se déroule l’accompagnement et comment l’Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) et la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) coopèrent-elles dans ce projet ?
Dominique Hen : L’idée est d’analyser les réponses des questionnaires via le réseau ANACT-ARACT afin d’identifier les problématiques et les besoins de chaque entreprise et de les réorienter vers trois types de ressources différentes : vers des outils et des ressources en ligne, vers des dispositifs existants afin de mettre en synergie les offres de la région, ou bien vers un soutien de l’Aract pour des « l’Appui Flash » ou des « l’Appui Long ». Ces sont des chargés de Mission de l’Aract qui interviennent directement, appuyés par un réseau de consultants.
Olivier Paternoster : Du côté de la DIRRECTE, nous sommes vraiment dans l’aspect local. Notre rôle est de faire la promotion de ce projet auprès des partenaires locaux avec qui nous sommes en contact direct. Dans le cadre de la crise, nous avons des réunions très régulières avec l’ensemble des secteurs et nous essayons de promouvoir le dispositif au niveau local afin que les entreprises de l’Aube puissent bénéficier d’un accompagnement.
Encore une fois, il s’agit d’un dispositif ciblé pour les structures de moins de 250 salariés et c’est essentiellement ces entreprises-là qui constituent le tissu économique de notre territoire du Grand Est. Nous sommes véritablement dans le cœur de cible.
Dominique Hen : Il est essentiel pour nous de travailler main dans la main avec l’ensemble de nos partenaires pour mieux comprendre le périmètre de chacun afin d’orienter au mieux les entrepreneurs et leurs salariés en fonction de leurs besoins.
De manière plus concrète, et nous l’avons observé au début de la crise, les entreprises qui n’avaient pas encore mis en place le télétravail, par exemple, ont dû repenser leur organisation. La plupart se retrouvent aujourd’hui confrontées à des sujets de ressources humaines et de dialogue social. Nous essayons de comprendre leurs besoins et de voir comment trouver le bon équilibre. Comment organiser cette reprise du travail dans le cadre de cette reprise d’activité ? Comment élaborer de nouvelles routines managériales ?
Il est essentiel pour nous de travailler main dans la main avec l’ensemble de nos partenaires pour mieux comprendre le périmètre de chacun afin d’orienter au mieux les entrepreneurs et leurs salariés en fonction de leurs besoins.
Ainsi, nos partenaires organisent des réunions avec les chargés de mission de l’ARACT pour remettre à jour nos connaissances parce que, bien sûr, nous connaissons les dispositifs mais ils ont bien souvent été adaptés en fonction de la crise. Notre objectif est d’être au courant des actualités et de porter les bons messages.
Par exemple, la CARSAT a mis en place un dispositif pour les entreprises de moins de 50 salariés qui permet de co-financer une partie de leurs investissements liés à la prévention. Une aide financière pour les achats liés à l’hygiène et la sécurité, de masques ou de gel hydroalcoolique, de panneaux en plexiglas… Une fois que nous avons connaissance d’un tel dispositif, nous pouvons orienter les personnes qui nous évoquent ce besoin en rendez-vous.
La période actuelle est propice à l’accompagnement, notamment sur la transition d’un déconfinement qui remet les entreprises dans leur activité économique.
Olivier Paternoster : Pour compléter, je dirais que la période actuelle est propice à l’accompagnement, notamment sur la transition d’un déconfinement qui remet les entreprises dans leur activité économique. En même temps, vu l’ampleur de la crise, cette reprise remet en question leur positionnement sur des aspects de ressources humaines, d’organisation du travail… C’est donc une opportunité pour cet aspect organisationnel.
Avec cette situation sanitaire qui perdure et la crise économique, certaines sociétés ne sont pas encore revenues à un niveau d’activité à 100 %. C’est aussi une opportunité de travailler sur les formations des salariés, et l’occasion de renforcer son organisation pour la période post-crise sanitaire.
Quel est le rôle du Fonds Social Européen dans ce dispositif et quelles sont les perspectives d’ « Objectif Reprise » ?
Dominique Hen : Le FSE finance la majorité du dispositif. C’est un accélérateur énorme ! Et d’ailleurs, nous connaissons bien le FSE avec qui nous gérons actuellement quatre dossiers régionaux. Dans le Grand Est, le dispositif est financé par deux sources : le FSE et le Contrat de Plan Etat Région (CPER).
Ce soutien financier est un véritable levier qui permet de financer le réseau des ARACT notamment. Et tout le monde ne voit pas toujours l’Europe de manière opérationnelle, alors que ce dispositif permet de montrer une action très concrète !
Nous sommes au tout début du projet et, dans le Grand Est, nous avons déjà 577 entreprises qui ont répondu au questionnaire, dont 228 PME, et 350 TPE de moins de 11 salariés. Et plus d’une centaine ont demandé à être recontactées.
Armelle Leon : Aujourd’hui, localement, notre enjeu prioritaire pour les prochains mois est d’avoir une vision locale. Nous souhaitons voir comment le dispositif a été perçu et comment les entreprises locales s’en sortent.
Par exemple, nous accompagnons beaucoup d’hôtels et de restaurants pendant cette période, alors que ce ne sont pas des structures qui viennent vers nous spontanément. Donc c’est très intéressant de les orienter.
Dominique Hen : Et ce dispositif est évolutif ! L’idée est de recueillir aujourd’hui des besoins et des problématiques et de proposer par la suite de nouveaux outils, d’identifier de nouvelles solutions. Nous avons démarré d’une manière plutôt individuelle dans le soutien des entreprises qui va très vite s’orienter vers du collectif. Nous développons de nouveaux outils et les mettrons bientôt à la disposition d’un plus grand nombre d’entrepreneurs.
Nous souhaitons aussi que les entreprises échangent entre elles des bonnes pratiques ! De nombreuses choses très prometteuses sont en train de se structurer et les partenaires reviennent vers nous pour voir comment on peut travailler ensemble. Les premiers indicateurs qualitatifs et quantitatifs permettront de nouveau faire aller encore plus loin.
Destiné aux entreprises et associations de droit privé de moins de 250 salariés, le dispositif « Objectif reprise » du ministère du Travail propose des modalités gratuites de conseil et d’appui pour favoriser la reprise ou la continuité de l’activité en combinant bonnes conditions de travail et performance.